FINGERNAILS : chronique

03-11-2023 - 09:28 - Par

FINGERNAILS : chronique

Certains films s’imposent comme une évidence, sans aucun effort. Splendide et élégant, FINGERNAILS est de ceux-là.

 

Parce qu’il a été son assistant réalisation sur CANINE, certains seraient tentés de rapprocher Christos Nikou de son compatriote Yorgos Lanthimos. Pourtant, dès son premier long-métrage APPLES, il affirmait sa différence et sa singularité : armé de high concepts, il déconstruit les attentes du spectateur pour une observation profondément humaine, sincère et désarmante, des émotions de ses personnages. Son cinéma s’apparente à une bombe à retardement : Nikou nous désoriente subtilement tout d’abord, puis nous captive pour enfin nous bouleverser par la justesse des sentiments qu’il aborde – dans toute leur complexité et leur universalité. APPLES disséquait les notions de deuil et de mémoire, FINGERNAILS s’attaque à l’amour. Dans un pays indéterminé, à une époque qui l’est tout autant, un test permet d’évaluer avec certitude si un couple s’aime. 100% et c’est le diplôme ! 50% et c’est le drame. 0%, la séparation. Anna (Jessie Buckley) et Ryan (Jeremy Allen White) s’aiment, le test l’a prouvé. Pourtant, elle semble douter, enfermée dans la routine. Elle veut alors apprendre à mieux aimer son homme et se fait engager comme professeure dans un institut qui enseigne aux couples à réussir le test. Là, elle fait équipe avec Amir (Riz Ahmed), dont elle tombe sous le charme. (Et nous aussi.) De FINGERNAILS, on pourrait louer les parties visibles. Sa splendide photo, qui tire merveilleusement parti de la chaleur organique de la pellicule, cocon dans lequel le spectateur se love immédiatement. Son production design joliment rétro futuriste, un peu branque, formidable vecteur d’atmosphère. Son score au gracile piano et ses chansons merveilleusement sélectionnées (Bonnie Tyler, Yazoo, Frankie Valli ou encore The Flying Pickets), accélératrices d’identification. Sa mise en scène délicate, ses compositions parfois subtilement décadrées comme autant de troubles à l’ordre établi. Tout, bien sûr, concourt à l’impact qu’a le film. Mais sa splendeur terrassante réside dans l’invisible et l’inexprimable. Dans cette aisance ahurissante, inexplicable, avec laquelle le cinéaste aborde la complexité du sentiment amoureux, refusant la facilité – l’ennemie, ici, n’est pas tant la routine que la certitude –, et évitant la thèse clinique et désenchantée. Ici, une danse effrénée se mue en épopée. Une passion tonitruante anime des regards en biais. Des torrents d’émotions émergent des silences – incroyables prestations de Jessie Buckley, Riz Ahmed et Jeremy Allen White, impériaux d’élégance, de charme et de fragilité. FINGERNAILS ou le triomphe du sentiment, sans effort ni frime. Comme si ce film nous avait accompagnés depuis toujours.

De Christos Nikou. Avec Jessie Buckley, Riz Ahmed, Jeremy Allen White. États-Unis / Royaume-Uni. 1h53. Sur Apple TV+ le 3 novembre

Note : 5

 

 

 

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