SOUND OF METAL : chronique

15-06-2021 - 17:45 - Par

SOUND OF METAL : chronique

Comment vivre quand on pense tout perdre ? Une quête de résilience portée par un Riz Ahmed exceptionnel, plus à nu et vulnérable que jamais.

 

Un larsen sur un écran noir, puis apparaît Riz Ahmed, torse glabre et tatoué, cheveux peroxydés, frappant sourdement sur une batterie, accompagnant des notes discordantes de guitare. Depuis sa présentation au festival de Toronto en 2019, SOUND OF METAL a été « vendu » sur une seule photo, issue de cette toute première scène. Il n’a pourtant rien d’un film musical et le « son du métal » se révèlera même ne pas être celui qu’on croit. Si SOUND OF METAL se joue des apparences – et donc des attentes –, peut-être n’est-ce pas une coïncidence. Le premier film de Darius Marder parle de perte et de résilience. Ruben, le batteur de métal campé par Riz Ahmed, perd l’audition. Une douleur physique et psychologique qui ébranle son existence et son couple avec Lou (Olivia Cooke) – sa comparse dans le groupe Blackgammon. Si la musique apparaît centrale à la première séquence, si la symbiose scénique entre Ruben et Lou y est si palpable, alors la manière dont le scénario va tout retirer au batteur s’avère d’autant plus brutale. Darius Marder, dont il s’agit du premier film de fiction après le documentaire LOOT (2008), a été à bonne école : il a été monteur puis scénariste pour Derek Cianfrance. Dans SOUND OF METAL, dont les prémices remontent à un docu-fiction jamais fini de Cianfrance sur le groupe Jucifer, on retrouve les élans mélo de THE PLACE BEYOND THE PINES, le quotidien qui se mue en grande tragédie, les garçons qui bataillent avec leur vulnérabilité. Le spectateur se retrouve bringuebalé dans un tourbillon de sensations – la séquence où Ruben perd l’audition restera un sommet d’immersion oppressante. Marder filme et manipule l’invisible, triture brillamment ce matériau impalpable qu’est le son. Pourtant, SOUND OF METAL ne tombe jamais dans l’abstraction ou l’exercice esthétique : on ressent ici, très présent, le passé de documentariste du réalisateur. La caméra demeure rivée sur le corps et le visage de Riz Ahmed, en quête de la moindre de ses réactions. Filmé en pellicule, avec ce grain si particulier du cinéma, mais baigné d’une lumière naturaliste, SOUND OF METAL insuffle de la fiction dans le réel et inversement – jusqu’à ces acteurs, comme l’excellent Paul Raci, dont on ne sait s’ils campent leur propre rôle, méthode chère à Debra Granik. SOUND OF METAL se déroule sans la moindre ostentation dramaturgique. Ce réalisme humble, s’il mène à une apparente simplicité, dissimule une véracité et une grande complexité. Celle d’une humanité qui doit apprendre à se confronter sans cesse au deuil – des autres, de soi ou partie. Et dans le meilleur des cas, tenter de vivre avec.

De Darius Marder. Avec Riz Ahmed, Olivia Cooke, Paul Raci. États-Unis. 2h02. En salles le 16 juin

4Etoiles

 

 

 

 

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.