WINTER BREAK : chronique

12-12-2023 - 20:00 - Par

WINTER BREAK : chronique

Un film de Noël drôle, souvent émouvant et qui questionne, à travers la plus généreuse des fêtes, la nature-même du privilège.

 

Dans un pensionnat pour fils de familles très aisées, une poignée de garçons ne rentreront pas chez eux à Noël. Leurs parents habitent dans un pays lointain, ils se consacrent à leur travail ou, comme pour le jeune insolent Angus Tully, ils sont trop occupés par leur propre égoïsme. Paul Hunnam, prof intransigeant et incorruptible, va devoir veiller sur eux pendant les fêtes. Finalement, seul Angus est contraint de rester dans l’établissement et ce n’est pas l’élève préféré de Hunnam. Mais chacun va devoir faire contre mauvaise fortune bon cœur, y compris Mary Lamb, la responsable de la cantine, qui par la force des choses restera à son poste pendant les vacances : son fils vient de mourir au Vietnam. Un sort que chez les gamins nantis de l’école, on ne connaîtra jamais. C’est ainsi qu’on forme les élites américaines : en les préservant de la violence de ce pays. Mais rien ne peut protéger ces gamins blancs et riches de la violence de leur classe, d’être élevés sous la pression d’exceller et l’obsession de l’argent. Quand Hunnam emmène Angus et Mary en virée à Boston, bafouant le règlement intérieur, sortir du pensionnat va les aider à révéler leur vérité et vider leur sac. Si les caractères bien trempés de ce trio mal assorti assurent la comédie – Paul Giamatti et son œil de verre, c’est un spectacle –, le deuil, la solitude et les erreurs qui les accablent font du film un drame d’une justesse absolue. Nous sommes dans les années 70 et Alexander Payne oppose douceur et bienveillance à cette époque âpre et patriarcale. Fait à la manière du cinéma de l’époque, WINTER BREAK a les atours d’un film de Hal Ashby – il a été consciemment fait comme tel. Mais WINTER BREAK se situe plutôt à cheval entre LA DERNIÈRE CORVÉE et LAST FLAG FLYING (sa suite officieuse par Richard Linklater), entre l’antisystème du Nouvel Hollywood (le film est à contre-courant des modes actuelles) et le sentiment mêlé à la déconstruction des codes typiques des meilleurs films d’auteur d’aujourd’hui. Il faut de l’aplomb, beaucoup de sensibilité, une maîtrise folle de mise en scène et un certain recul pour faire dialoguer les minorités et les privilégiés et trouver un terrain d’entente. Ainsi, quand Dominic Sessa (qui joue Angus) et Da’Vine Joy Randolph (qui incarne Mary) partagent des scènes, le film atteint des sommets d’émotion. Si leurs visages nous sont peu connus, ils nous deviennent immédiatement et irrémédiablement intimes. Ainsi, Alexander Payne peut s’attarder sur eux, sur leurs silences, sur leurs absences, sans jamais nous lasser. Ici, est réifié la magie du cinéma quand un sujet, des interprètes et un réalisateur ne font plus qu’un.

D’Alexander Payne. Avec Paul Giamatti, Dominic Sessa, Da’vine Joy Randolph. États-Unis. 2h13. En salles le 13 décembre

Note : 4

 

 

 

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