WONKA : chronique

12-12-2023 - 20:02 - Par

WONKA : chronique

Après les deux PADDINGTON, Paul King se saisit d’une autre icône de la culture anglaise. Une réussite, à la douce sophistication.

 

Comment Willy Wonka est-il devenu ce chocolatier adoré de par le monde, reclus dans son usine, énigme inquiétante ? Imaginer ses origines dans un prequel comportait le risque de dévitaliser son aura élusive, qui a fait sa renommée chez Roald Dahl puis au cinéma. Alors pourquoi WONKA fonctionne-t-il aussi bien, à la fois en décalage et au diapason de ce que l’inconscient collectif a retenu du confiseur ? Sans doute parce que derrière le jeune homme excentrique, joyeux, enthousiaste, rêveur, ouvert à l’altérité qu’incarne avec un entrain touchant Timothée Chalamet émerge déjà le créateur ivre de sa création, rongé par ses démons et sa peur paranoïaque d’échouer. Ses regards et sourires tristes, ses silences affectés dissimulant mal sa compréhension affûtée d’un monde ultra libéral corrompu, font de cette incarnation un nouveau modèle pour le personnage, à hauteur de celui sculpté par Gene Wilder en 1971. Engager la superstar de DUNE, plus connue pour ses rôles de garçon ténébreux, n’était donc pas le moindre geste de mise en scène de Paul King. Avec ses deux PADDINGTON, l’auteur réalisateur avait réussi l’exploit de donner chair à une créature de pixels plus humaine que les humains. Ce souci de l’organique habite également WONKA, qui emploie les effets numériques en soutien d’une approche physique – décors construits à l’artificialité assumée, jeux de lumière narratifs en plateau. Si King ne s’interdit aucun cadrage marqué (les contre-plongées chères à son chef opérateur Chung Chung-hoon ; quelques God’s eye views), WONKA refuse l’épate autosatisfaite et conserve de PADDINGTON sa sophistication élégante et discrète – en dépit d’écarts outranciers encombrants avec le personnage d’Olivia Colman. Pourtant, là réside peut-être son talon d’Achille car WONKA est aussi… une comédie musicale ! De celles qui embrassent le genre à bras le corps : le récit comporte une dizaine de numéros. Aucun ne manque d’idées ni d’élan, à l’image de la splendide et remuante séquence d’ouverture, mais King préfère encore la sage discrétion à la virtuosité généralement attendue (à tort ?) d’un musical. À hauteur d’humain, WONKA gagne cependant en douceur, King en retrait de ses acteurs et de son songwriter Neil Hannon, dont les six chansons originales, mais aussi les deux reprises de morceaux du film de 1971, s’inscrivent dans la droite lignée de son travail sur The Divine Comedy – elles sont admirables, donc. Avec leurs mélodies accrocheuses, leurs arrangements amples et raffinés, leurs paroles tour à tour drôles, malignes ou déchirantes, elles érigent WONKA en grand spectacle familial divinement suranné.

De Paul King. Avec Timothée Chalamet, Calah Lane, Olivia Colman. Royaume Uni / États-Unis. 1h56. En salles le 13 décembre

Note : 4

 

 

 

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