LA FILLE DE SON PÈRE : chronique

19-12-2023 - 13:35 - Par

LA FILLE DE SON PÈRE : chronique

À l’aune du départ de la mère, la relation colorée, fantasque et bouleversante entre un père et sa fille.

 

Céleste Brunnquell est peut-être ce qui arrive de mieux au cinéma français ces temps-ci (L’ORIGINE DU MAL, FIFI, EN THÉRAPIE) car elle ressuscite le phrasé et la douce maturité des actrices adolescentes des années 70 et 80 (on pense beaucoup à Godrèche et Marceau) mais avec une modernité folle. Un mélange de contemporain et d’universel dont il est impossible de détourner le regard. Tout ce qu’elle dit semble avoir été écrit pour et par elle dans LA FILLE DE SON PÈRE et face à Nahuel Perez Biscayart, comédien dont la singularité et le regard fascinent, ça fuse, ça réplique, ça vanne avec une facilité et une fluidité miraculeuses. Dans ce drôle de film, ils jouent fille et père, famille fusionnelle, l’une, Rosa, enfant mûre, l’autre, Étienne, juvénile prof de foot. Leur différence d’âge négligeable les rapproche. Il était jeune quand il a rencontré sa mère ; elle est rapidement tombée enceinte. Puis quelques jours après avoir donné naissance à Rosa, elle est partie. Lui a donc joué le rôle des deux parents et s’est bien débrouillé : sa fille est lumineuse, maline, précoce et lucide. Elle sort avec Youssef (époustouflant Mohammed Louridi), garçon romantique, poète d’un autre temps, en pâmoison devant Rosa – qu’il visite en passant par la fenêtre alors que la porte est grande ouverte – et son père dont il réécrit la vie sous forme d’un récit épique, transformant un passé malheureux en une grande aventure. Une manière aussi pour Erwan Leduc, réalisateur de ce formidable LA FILLE DE SON PÈRE, de donner à ses deux personnages le statut de grands héros romanesques. Car derrière leur fantaisie et leur caractère bien trempé, derrière leur relation filiale amicale, Étienne et Rosa n’arrivent pas à se séparer. Quand elle est prise en école d’arts à Metz, qu’elle doit quitter sa maison colorée, chaleureuse et rigolote qu’elle a chaque jour habitée avec son père, ça coince. Pire, alors qu’il est possible qu’Étienne ait retrouvé la mère de sa fille, ce quotidien familier et équilibré chancèle un peu. L’élégance du film, au-delà de son style fantasque, c’est de ne pas créer de fausse dramaturgie mais de filmer simplement des gens qui s’aiment quand le chaos, petit, d’aucuns diraient anodin, frappe. Erwan Leduc regarde les liens de cette famille, de sang et recomposée, résister et par la magie de son regard bienveillant et tendre, invite le spectateur à leur table pour un moment très précieux. « Derrière chaque coup de pied dans ce ballon, il doit y avoir un sentiment », hurle Étienne à son équipe. Derrière chaque seconde de LA FILLE DE SON PÈRE, les émotions déferlent, sans en avoir l’air, avec la classe d’en rire.

D’Erwan Leduc. Avec Nahuel Perez Biscayart, Céleste Brunnquell, Maud Wyler. France. 1h31. En salles le 20 décembre

Note : 4

 

 

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