BELFAST : chronique

01-03-2022 - 17:02 - Par

BELFAST : chronique

En pleine possession de ses aptitudes cinématographiques, Kenneth Branagh raconte son enfance dans une ville de Belfast blessée par le conflit entre catholiques et protestants.

 

BELFAST est raconté à travers les yeux de Buddy, un gamin de 9 ans qui vit dans la capitale nord-irlandaise. Ce môme, c’est en fait Kenneth Branagh lui-même qui, du jour au lendemain, a vu sa ville natale être le théâtre des affrontements entre catholiques et protestants – un conflit qui durera de nombreuses années. Dans une scène d’ouverture sidérante, Buddy joue à se battre, une fausse épée dans une main, un couvercle de poubelle en guise de bouclier dans l’autre. Puis, alors qu’un brouhaha se fait entendre crescendo, il se retourne pour comprendre et c’est une émeute qui s’empare du quartier et fond sur lui. Ses jouets ne seront plus jamais des jouets. Sa rue tranquille, dont on enlève les pavés pour ériger des barricades, ne sera plus jamais sa rue. Ce petit bonhomme jovial vient de perdre son innocence et ses parents, si beaux, si souriants, seront dorénavant plongés dans le souci. Autobiographique, BELFAST est non seulement un film historique – qui ne s’embarrasse cependant pas d’expliquer la situation en Irlande du Nord, trop compliquée –, il est surtout le portrait d’un enfant qui se raccroche aux bonheurs quotidiens pour tenter de rester le fils insouciant que ses parents aiment tant. Une fille dont il est amoureux, une bande dessinée « Thor » achetée chez le marchand et lue avec envie sur un bout de trottoir, un film de science-fiction au cinéma qui en met plein les yeux : à chaque séance, c’est le technicolor qui s’empare de BELFAST, tourné dans un noir et blanc somptueux, mais qui n’évince jamais la modernité au profit du tout-classique. Buddy voit du cinéma partout dans sa vie. Alors le film, épique, est son petit western, fait d’angles de caméra extrêmes (beaucoup de plongées et de contre-plongées excessives), de voisins comme des cowboys – son père, incarné par Jamie Dornan, ressemble à une vraie icône du grand écran – et de guerres de territoire. Il y a aussi des hommages à Cartier-Bresson, à Doisneau dans les compositions des cadres, frappantes, iconiques, intemporelles. Et, enfin, par sa quasi unité de lieu, parce que Kenneth Branagh est un homme des planches, son western se fait parfois pièce de théâtre expérimentale, quand les projecteurs des hélicoptères qui surveillent la zone se transforment en poursuites. BELFAST vibre d’un plaisir évident de mise en scène, car Buddy découvre la fiction, celle qui nous évade de la réalité, avec l’imagination d’un futur grand cinéaste. Au son de nombreuses chansons de Van Morrison, légende locale, BELFAST n’est jamais un objet triste ou nostalgique. Il pose un regard effaré sur le monde certes, mais jamais peureux, toujours malin. Face aux drames et aux imprévus de la vie, Buddy et sa famille se réinventent toujours. C’est peut-être là l’explication à l’éclectisme formidable de Kenneth Branagh. 

De Kenneth Branagh. Avec Jude Hill, Jamie Dornan, Caitriona Balfe. Grande-Bretagne. 1h39. En salles le 2 mars

4Etoiles

 

 

 

 

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