Toronto 2013 : R100 / Critique

09-09-2013 - 12:04 - Par

De Hitoshi Matsumoto. Avec Nao Omori, Mao Daichi. Midnight Madness.

Une femme fatale en porte-jarretelles foutant des high kicks à son rendez-vous galant. Un manège faisant face à une galerie de dominatrices. Un employé dont la femme est dans le coma. Des sushis écrasés. Une madame crachats. Une gobeuse. Un père obsédé par les tremblements de terre. Du bondage. « L’Hymne à la Joie » de Beethoven. Des ninjas. Des grenades. Un flic vindicatif. Comment tous ces éléments – parmi d’autres – peuvent-ils bien être reliés et faire partie d’un seul et même film ? Bienvenue chez Hitoshi Matsumoto. Star en son pays pour ses élucubrations télévisées, et admiré par chez nous pour ses trois premiers films – DAI NIPPONJIN, SHINBORU et SAYA ZAMURAÏ – Matsumoto est de ces auteurs inclassables, dont le style est reconnaissable entre tous et qui, surtout, ne se fixent jamais aucune limite. Pour son quatrième opus, il dit avoir abandonné l’improvisation qui régissait ses précédents tournages. Il ne s’est pas assagi pour autant. Au contraire. Et tant mieux, car il dirige ici un pur objet nonsensique, une dinguerie aux fascinantes fulgurances comiques et esthétiques. Takafumi, dont l’épouse est plongée dans le coma depuis trois ans, vit avec son jeune fils. Un jour, il devient membre d’un club sado-maso particulier : le deal est que les dominatrices viennent lui procurer du plaisir à tout moment, en tout lieu. D’où quelques petits inconvénients. Mais quand Takafumi souhaite se désabonner, le propriétaire du club et ses ouailles ne l’entendent pas de la même oreille. Que Matsumoto se penche sur le sadomasochisme, rien d’étonnant : dans ses émissions télé, il se soumet aux pires maltraitances dans la joie et la bonne humeur. Ce dont il tire une grande fierté, d’ailleurs – « Si l’on fait des choses aussi stupides à la télé japonaise, c’est parce que nous avons perdu la Seconde Guerre mondiale », nous avait-il déclaré en éclatant de rire lors de la promo de SAYA ZAMURAÏ. Et dans R100 (le titre parodie le système de classification nippon, signifiant ici que seuls les centenaires ont le droit de voir le film !), Matsumoto repousse encore les frontières de l’absurde, en usant d’un comique de répétition bête et méchant, d’une imagination poétique à la limite du cauchemardesque, de gags certes inégaux mais d’une inventivité remarquable ou d’une superbe esthétique rétro-futuriste. Nombreux sont ceux qui risquent de rapidement décrocher, voire d’être révolté devant l’outrance de Matsumoto, mais l’hilarité que suscite R100 et l’énergie qui s’en dégage n’en demeurent pas moins fascinantes. Mieux, malgré le délire généralisé qui caractérise le film, R100 reste extrêmement pensé, maîtrisé et construit, notamment dans sa mécanique rythmique. Ce qui permet à Matsumoto de prendre parfois le temps pour des scènes plus posées (sur les relations père-enfant, qui le travaillent depuis SAYA ZAMURAÏ) ou des digressions méta absolument délicieuses dans lesquelles le cinéaste confronte son œuvre à l’incrédulité de l’industrie cinématographique japonaise. Car, comme Kitano avant lui, Matsumoto est roi en son pays sur le petit écran. Pas sur le grand. Qu’importe : on lui offre l’asile dès qu’il le souhaite.

De Hitoshi Matsumoto. Avec Nao Omori, Mao Daichi, Shinobu Terajima. Japon. 1h40. Prochainement.

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