NIGHT CALL : chronique

26-11-2014 - 13:35 - Par

Si son pan satirique ne fonctionne pas franchement, NIGHT CALL vit de la folle prestation de Jake Gyllenhaal.

« Si tu veux remporter le gros lot, tu dois d’abord gagner l’argent pour acheter un ticket. » Ce credo que Lou Bloom (Jake Gyllenhaal) répète tel un mantra dans les bandes-annonces de NIGHT CALL et qu’il lance une fois dans le film, a le mérite de résumer en une petite phrase cinglante et ironique la psychologie du personnage. Vivant de petits larcins sans parvenir à trouver sa voie, Bloom ne rêve que de réussite sociale. Il n’attend que d’être respecté et estimé. Sa vocation, il va la trouver par accident, littéralement : un soir, il assiste au crash d’une voiture et voit débarquer sur les lieux une équipe de télé free-lance qui filme le drame. Intrigué, Bloom décide lui aussi de se lancer dans le journalisme d’images. Peu importent les méthodes qu’il devra employer pour y parvenir… Avec NIGHT CALL, Dan Gilroy semble vouloir offrir son NETWORK à la génération 2.0 abreuvée d’images, de gossip et d’information en temps réel. Ambitieux, donc, tant le classique de Sidney Lumet, bien qu’ancré dans les années 70, demeure pertinent et moderne, protégé des affres du temps par la force et la justesse de son propos. Jouant la carte de la satire grinçante via une ambiance assez réussie et poisseuse de thriller néo- noir, NIGHT CALL tire à boulets rouges sur tout ce qui constituerait l’information à l’américaine : le sensationnalisme, le voyeurisme, la course vaine à l’audience, le manque de considération pour toute déontologie. Pourtant, la charge apparaît finalement peu mordante. Ou du moins déjà vue : cette dénonciation n’a rien de fondamentalement nouveau à dire. Jamais Gilroy n’interroge vraiment notre époque et notamment la façon dont Internet – un site people comme TMZ par exemple – a pu bouleverser les règles et radicaliser la manière de traiter l’info. Là n’était peut-être pas l’intention du cinéaste, certes. N’en demeure pas moins que voir NIGHT CALL se contenter de rester sur un territoire très balisé de diatribe anti-télé a quelque chose de frustrant. Comme si le film passait à côté de son sujet. Ou de son temps. En revanche, si NIGHT CALL trébuche sur son propos et son récit, il s’affiche en redoutable étude de personnage : horrible et arrogant, asocial et arriviste, dévoré par son ambition et sa réussite, Lou Bloom ne rapporte pas l’information, il la crée, la modèle. Sangsue nocturne se nourrissant du malheur d’autrui, il est sans conteste le cœur (vicié) de NIGHT CALL, grâce à la performance téméraire de Jake Gyllenhaal, qui aligne les phrases étranges, les rires dérangeants et les regards vides de toute humanité sans ne jamais tirer sur la corde. Une telle subtilité dans la démesure tient du miracle.

De Dan Gilroy. Avec Jake Gyllenhaal, Riz Ahmed, Rene Russo. États-Unis. 1h57. Sortie le 26 novembre

 

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