IMITATION GAME : chronique

28-01-2015 - 09:50 - Par

Un film populaire qui célèbre autant le génie d’un oublié de l’Histoire que la beauté de la différence.

Parfois, ce sont ceux à qui l’on ne pense jamais qui font les choses auxquelles personne n’aurait pensé. » Dans cette réplique réside le cœur de ce biopic d’Alan Turing, cryptologue et mathématicien qui, durant la Seconde Guerre mondiale, brisa Enigma, le prétendu indéchiffrable code secret nazi et, ce faisant, inventa ce qui deviendra l’ordinateur. Au-delà de ses intentions biographiques et historiques, IMITATION GAME exalte la différence et la richesse que celle-ci apporte aux sociétés. Car Turing aimait les hommes, à une époque où la loi condamnait encore l’homosexualité – le mathématicien fut condamné à la castration chimique en 1952 avant qu’il ne se suicide en 1954. Dans son équipe vouée à changer le cours de l’Histoire : des hommes certes, mais une femme aussi, quand on voulait encore cantonner le « deuxième sexe » à des tâches de secrétariat ou de mères de famille. Pompeux et prêchi-prêcha, IMITATION GAME ? Loin de là. Le film de Morten Tyldum (HEADHUNTERS) est certes facile à apprécier, mais il n’en demeure pas moins alerte et parfois insolent, porté sur un humour très anglais, où le bon mot côtoie le décalage, où l’on défie l’autorité avec le sourire, où la noirceur des événements n’empêche jamais la légèreté d’émerger. Pédago sans sombrer dans l’évidence, le scénario de Graham Moore privilégie la caractérisation des personnages au spectaculaire, les dilemmes cornéliens à l’héroïsme, la finesse de dialogues aux petites phrases signifiantes et déroule ainsi le destin d’Alan Turing avec un indéniable élan romanesque, donnant au film des allures quasi anachroniques. Un cinéma à l’ancienne et empreint de classicisme, en somme. Pourtant, IMITATION GAME, bien aidé par une interprétation nuancée de Benedict Cumberbatch, ne se prive jamais d’explorer sans détour la psychologie retorse de Turing, d’étudier ses névroses et douloureuses blessures, de disséquer la complexité de sa personnalité. C’est pourtant bien l’un des reproches qu’on peut faire au film : dans le dernier acte, Tyldum se refuse à filmer totalement la fin de vie de Turing – un suicide qui a été coupé au montage. Pour asséner avec encore un peu plus de force son message, peut-être le cinéaste aurait-il dû surligner que, parce qu’il était homosexuel, l’homme qui a sauvé le monde des nazis est mort seul et ostracisé. En confrontant le spectateur de manière plus frontale à cette honteuse tragédie au lieu de la confiner à quelques notes en début de générique, IMITATION GAME aurait sans doute gagné encore un peu plus en noblesse et en dignité.

De Morten Tyldum. Avec Benedict Cumberbatch, Keira Knightley, Matthew Goode. Royaume-Uni / États-Unis. 1h55. Sortie le 28 janvier

 

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