De très bons dialogues interprétés par d’excellents acteurs sauvent ce biopic trop sage et générique du célèbre scénariste.
On n’a pas inventé influence plus puissante que les films », entend-on dans DALTON TRUMBO. En conséquence, le cinéma a souvent été la cible des modérateurs (au mieux) ou des censeurs (au pire). Après avoir tenté en vain de museler les artistes via le Code Hayes, Hollywood a, tout comme le reste de l’Amérique, franchi le Rubicon dans les années 40 en instituant le délit d’opinion, sous la pression de quelques patriotes zélés – dont John Wayne, président de la Motion Picture Alliance for the Preservation of American Ideals. Être communiste n’était tout bonnement plus possible en cette ère de guerre froide. À Hollywood, parmi les talents accusés de « contaminer » l’Amérique, figura Dalton Trumbo. Scénariste révéré (UN NOMMÉ JOE, QUELS SERONT LES CINQ ?) et défenseur des droits sociaux des techniciens de cinéma, il fut un communiste fervent. Soixante-dix ans après, DALTON TRUMBO revient sur le destin de l’auteur qui, avant d’être jeté en prison pour « attitude méprisante à l’égard du Congrès », était le scénariste le plus payé au monde via son contrat d’exclusivité avec la MGM. Joliment interprété par Bryan Cranston, Trumbo revit ici devant une caméra malheureusement bien sage. Sans réel souci de mise en scène, Jay Roach déroule un biopic plat et générique, dépourvu d’esthétique. Cette banalité est d’autant plus dommageable que le film ne démérite pas par ailleurs. Bryan Cranston et ses partenaires –Helen Mirren, Alan Tudyk, Michael Stuhlbarg, Louis C.K. ou encore John Goodman – ont en bouche des dialogues souvent remarquables: tantôt malins, tantôt très drôles, ils donnent au film les airs d’un film jazz, libre et enjoué, toujours dans l’effusion. Fleurissent aussi quelques idées intéressantes (un riche peut- il avoir une pensée politique radicale?) ou poignantes (« Il n’y avait ni héros, ni vilains, juste des victimes », dira plus tard Trumbo), mais trop peu creusées. Surtout, bien que DALTON TRUMBO ait un point de vue bien défini – la lutte de l’homme pour sa liberté de penser–, on regrette tout de même qu’il s’intéresse trop peu à l’artiste. Du moins, pas au-delà du folklore. Certes, Roach recrée quelques scènes de films mythiques ou fait des travaux les plus connus de Trumbo (VACANCES ROMAINES, SPARTACUS, EXODUS, LES CLAMEURS SE SONT TUES) des points centraux de l’intrigue. Mais jamais il ne cherche à s’intéresser un tant soit peu à ce qui le caractérise en tant que scénariste. Jamais il n’essaie, ne serait-ce que superficiellement, de parler de création artistique. Un comble pour le biopic de l’un des plus grands auteurs que Hollywood ait connus.
De Jay Roach. Avec Bryan Cranston, Diane Lane, Michael Stuhlbarg. États-Unis. 2h05 . Sortie le 27 avril
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