LE GRAND JEU : chronique

02-01-2018 - 15:53 - Par

LE GRAND JEU : chronique

Le grand manitou du « walk & talk », Aaron Sorkin, réalise son premier long-métrage et c’est une véritable réussite.

LE GRAND JEU est un vrai Aaron Sorkin movie. À un rythme du diable, on y cause sans s’arrêter dans un jargon d’initié et pourtant – et c’est toute la magie du scénariste –, c’est l’inintelligibilité de ce jargon qui donne du sens au film. Le spectateur lève des yeux admiratifs vers tous ces personnages si à l’aise à le manier et c’est parti pour un rodéo effréné de mots cinglants et de personnages furieux. Avant, c’était le baseball (MONEYBALL) ou l’informatique (STEVE JOBS), aujourd’hui c’est le poker. Ce jeu de cartes s’est démocratisé ; moins les arcanes des cercles de jeu, à 25 plaques le droit d’entrée. Et encore moins le droit américain qui fixe la frontière entre la légalité et l’illégalité à coups de nuances savantes. Le diable est dans les détails et Molly (Jessica Chastain), ancienne championne de ski devenue secrétaire, devenue organisatrice de parties de cartes clandestines, réunissant stars de cinéma, producteurs et millionnaires en tout genre, va l’apprendre à ses dépens. Pétrie d’ambition et voyant son avenir en grand, Molly ne vas pas tarder à s’acoquiner avec les mauvaises personnes : la mafia russe. Et devient irrémédiablement une personne d’intérêt pour le FBI. Pour se défendre, elle s’arroge les services d’un avocat (Idris Elba) qui la pousse dans ses retranchements. Bien sûr, Aaron Sorkin ne s’embarrasse pas d’une scrupuleuse déférence aux faits réels. Mais il sait mieux que personne, à coup d’allégories, de synthèses, de dialogues à double sens, rendre hommage au réel avec du cinéma bigger than life, au sens de la répartie imparable. Il tricote à Jessica Chastain un personnage à la mesure de son féminisme. Meurtrie par le patriarcat, autonome, encaissant les coups sans moufter, ayant fait de sa féminité une armure qui force le respect. Dans un milieu d’hommes sans code d’honneur, Molly se débat avec ses valeurs, tente de s’élever au dessus de leur médiocrité et chute. LE GRAND JEU est un film si américain dans son rapport à l’argent, à la loi et à la victoire qu’Aaron Sorkin s’impose définitivement comme le grand auteur des opportunistes, leur consacrant des films aussi mordants qu’énamourés. Il regarde Molly avec fascination, louant son esprit d’indépendance, interroge ce que le rêve américain réserve aux femmes. Le film manque très probablement d’un cinéaste d’expérience, plus audacieux derrière la caméra. S’il démarre comme un sous- Danny Boyle, son rythme de croisière est plus fonctionnel que virtuose. La mise en scène d’Aaron Sorkin ne transcende jamais son scénario mais LE GRAND JEU reste un film aussi impétueux qu’un coup de poker.

D’Aaron Sorkin. Avec Jessica Chastain, Idris Elba, Kevin Costner. États-Unis. 2h20. Sortie le 3 janvier

4Etoiles

 

 

 

 

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.