CALL ME BY YOUR NAME : chronique

27-02-2018 - 15:32 - Par

CALL ME BY YOUR NAME : chronique

Un jeune homme découvre la confusion des sentiments dans l’Italie chic des 1980’s. Une sublime éducation sentimentale, sophistiquée et pourtant universelle, hyper sensuelle et littéraire qui colle des frissons et des larmes. Aussi beau et déchirant qu’un premier amour.

Si CALL ME BY YOUR NAME est un film aussi fort, c’est parce que sa beauté est fragile. On voudrait ne pas avoir à la décrire, ne pas chercher à la noyer sous les mots tant ce quelque chose qui échappe emporte tout sur son passage. Étrange, car au départ, CALL ME BY YOUR NAME déroute et ne cherche pas forcément à plaire. Dans une maison bourgeoise de l’Italie, une famille d’intellectuels mène une vie oisive de lectures et de plaisirs. On parle archéologie, théologie, partitions de musique et philosophes allemands. Tout ça fait très chic et pourrait bien être très assommant. Sauf que ce petit microcosme polyglotte est filmé avec une légère distance, une forme d’ironie délicate qui donne le sourire (on adore Amira Casar qui tape un brin de lecture en allemand). Le réalisateur Luca Guadagnino a comme digéré la sophistication du cinéma de Rohmer pour en formuler une version plus formaliste qui donne de la chair à ses dialogues. Hyper sensuelle et littéraire, la mise en scène donne l’impression d’un combat permanent entre le corps et l’esprit. Les mots fusent mais ce sont les regards, les gestes, les soupirs qui intéressent Guadagnino. Comme dans le THÉORÈME de Pasolini, l’arrivée d’un étranger (Oliver, étudiant américain) va catalyser cette libération des sens. Il fallait un acteur de la trempe d’Armie Hammer pour assurer et assumer avec autant de dérision et de prestance ce rôle de pure épiphanie érotique. Désirable, moulé dans des mini shorts suggestifs, Hammer habite l’espace. C’est cette liberté, cette réconciliation entre le corps et l’esprit que filme Guadagnino dans une incroyable scène de danse à la fois vivifiante et fantasmatique. Le jeune Elio voit alors à travers Oliver un idéal à conquérir. Un peu tel la Lolita de Nabokov, il se met à le séduire, à provoquer Oliver par jeu, comme pour se prouver quelque chose. Cette première partie du film, en forme de cache-cache sentimental, prend corps avec cette valse- hésitation et produit un mélange de fascination et de distance. Mais quand la digue cède, quand Oliver et Elio se rapprochent enfin, film et personnages sont submergés par un lyrisme dévastateur. CALL ME BY YOUR NAME célèbre alors la puissance du sentiment amoureux, la libération des corps, des esprits, le désir comme moteur. L’alchimie entre Timothée Chalamet (belle révélation) et Armie Hammer est d’une grande rareté. On frissonne avec eux, on s’amuse de leurs complicités, de la soudaine douceur irréelle de cette dolce vita des sentiments. Le dernier acte du film, terrible mais inéluctable, vient questionner et nimber de mélancolie l’allégresse. Le bonheur n’existe-t-il que comme un souvenir ? Déplaçant habilement le mélodrame vers une forme d’apprentissage de soi, le film panse les plaies de ses personnages par les mots. Un bouleversant retour au texte et à l’esprit qui culmine dans un magnifique monologue paternel (Michael Stuhlbarg) et une longue conversation téléphonique. On reste K.O., groggy de douceur et d’émotions, avant d’être dévasté par l’un des plus beaux génériques de fin qui marque l’abandon du personnage à ses sentiments. Une scène somptueuse, très forte, filmée comme un rite de passage, un apprentissage de la vie. Plus qu’une simple romance, CALL ME BY YOUR NAME est une véritable odyssée amoureuse qui célèbre le lyrisme, l’emportement, le désir fou et leurs souvenirs, comme seul moyen de vraiment exister.

De Luca Guadagnino. Avec Timothée Chalamet, Armie Hammer, Michael Stuhlbarg, Amira Casar. Italie/France/États-Unis. 2h13. Sortie le 28 février

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