AVANT QUE NOUS DISPARAISSIONS : chronique

13-03-2018 - 19:29 - Par

AVANT QUE NOUS DISPARAISSIONS : chronique

Un couple face à une invasion alien : Kiyoshi Kurosawa continue d’hybrider les genres. Bancal, mais sensible et souvent passionnant.

Kiyoshi Kurosawa n’en finit plus de jouer avec les formes et les genres. Dans VERS L’AUTRE RIVE et LE SECRET DE LA CHAMBRE NOIRE, il transformait son regard sur le film de fantômes, préférant la tragédie poétique à l’horreur fantastique de KAIRO. Avec AVANT QUE NOUS DISPARAISSIONS, il invite à une nouvelle expérimentation avec un genre très hollywoodien : l’invasion extraterrestre. La première séquence s’avère à ce titre particulièrement maligne : Kurosawa y met en scène une grande violence, embrasse à la fois une spectacularisation frontale et son goût très affirmé pour le hors-champ. Il hybride ainsi immédiatement le genre en mariant son esthétique à un inconscient pop – d’autant que la musique rappelle les partitions de RETOUR VERS LE FUTUR, GREMLINS ou THE BURBS. Par la suite, AVANT QUE NOUS DISPARAISSIONS se fait plus ambigu quant à ses influences. Filmé sans ambages, un panneau de protestation rappelle que nombre de Japonais ne supportent plus la présence militaire américaine sur l’archipel. En descendant logique de L’INVASION DES PROFANATEURS, AVANT QUE NOUS DISPARAISSIONS vibre de sa métaphore politique – et si l’alien, c’était l’Américain, qui envahit les esprits, cannibalise la culture locale et la remplace par la sienne ? Une dimension triste, inquiète et enragée, nourrie par des images fortes – des visages dénués de toute émotion ou scarifiés de sourires figés. Entre accès subits de violence et saillies burlesques, AVANT QUE NOUS DISPARAISSIONS s’assume clairement comme un spectacle malaisant. Mais au- delà, Kurosawa construit un touchant récit poétique. Avant la politique et la violence, il sonde l’amour et la manière dont un couple tente de se retrouver. Une trame humaine où sa mise en scène ultra-précise, faite de ces longs plans où acteurs, caméra et décors fusionnent, prend tout son sens: dans la longueur des prises, il essaie de réunir ceux que les événements ont éloignés. Cinéaste de la disparition, il capte ainsi la peur primale de perdre ce qui nous caractérise – la compréhension d’idées qui font de nous des êtres singuliers mais sociaux, comme l’individualité, la liberté, la famille et l’amour. Cette richesse joue parfois contre le film: comme débordé par ce foisonnement, Kurosawa se perd en redondances ou en errances, entamant l’efficacité et le rythme de son récit. Jusqu’à un climax et un épilogue qui rattrapent ces dérapages et ancrent le film dans une idée captivante: dans l’adversité, on se doit de « repenser toutes nos idées » – celles qui nous lient, tout comme celles qui nous désunissent ou qui nous asservissent.

De Kiyoshi Kurosawa. Avec Ryuhei Matsuda, Masami Nagasawa, Hiroki Hasegawa. Japon. 2h09. Sortie le 14 mars

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