BATTLESHIP ISLAND : chronique

13-03-2018 - 19:34 - Par

BATTLESHIP ISLAND : chronique

Ryoo Seung-wan s’attaque à un pan méconnu de la Seconde Guerre mondiale. D’une richesse terrassante.

Après THE AGE OF SHADOWS de Kim Jee-woon, sorti récemment en France en vidéo (voir Cinemateaser n°70), l’occupation de la Corée par le Japon donne lieu à un autre chef-d’œuvre à l’ADN typiquement coréen, un torrent de sentiments dévastateurs, un récit historique spectaculaire et opératique. Là où Kim s’intéressait à la fin des années 1920 via le film d’espionnage, son compatriote Ryoo Seung-wan hybride les genres et se penche sur un épisode méconnu de la Seconde Guerre mondiale – l’enrôlement de force de citoyens coréens par les forces japonaises pour les faire travailler dans les mines de charbon de l’île prison de Hashima. Sur place, Gang-ok (incarné par le formidable Hwang Jung-min, déjà vu dans deux films de Ryoo, THE UNJUST et VETERAN), musicien et père célibataire, va se révolter contre sa situation. Souhaitant plus que tout sauver sa petite fille de ces geôles à ciel ouvert, il fomente un plan d’évasion auquel il va peu à peu rallier plusieurs compagnons d’infortune. Peu importe le genre qu’il aborde, Ryoo Seung-wan injecte toujours une énergie folle à son cinéma, qu’elle soit littéralement visible à l’écran – il est un grand metteur en scène de l’action – ou contenue dans le comportement de ses personnages-mêmes, boules de vie et de rage. La force de BATTLESHIP ISLAND tient de cette vitalité permanente, ici décuplée par l’ampleur du film, sans doute le plus consciemment grandiose de sa carrière. Parce que le passé de Hashima reste trop méconnu, le devoir de mémoire qui anime le film s’accompagne d’une grande colère. BATTLESHIP ISLAND ne brille ainsi pas toujours par sa subtilité diplomatique. Pourtant, jamais BATTLESHIP ISLAND ne dérape, notamment grâce à une construction dramaturgique complexe et patiente – les trois premiers quarts d’heure sont un modèle d’exposition et de convergence des enjeux. Un foisonnement où le mélange des genres et des tons, du tragique au burlesque, d’une redoutable maîtrise, fait office de centrifugeuse. Chaque scène, drôle ou percutante – une baston d’anthologie dans les douches – se fait plus forte que la précédente, comme si BATTLESHIP ISLAND, à l’instar de ses protagonistes en quête d’élévation, ne pouvait se permettre de fléchir. Jusqu’à un climax intense, sans concession, aussi brutal qu’aérien, dont la virtuosité pourrait se faire intimidante et la puissance écrasante, si le cinéma de Ryoo n’était pas aussi généreux et immuablement tourné vers l’émotion. Un pur condensé de cinéma tout simplement immanquable.

De Ryoo Seung-wan. Avec Hwang Jung- min, So Ji-seob, Kim Su-an. Corée du Sud. 2h17. Sortie le 14 mars

5EtoilesRouges

 

 

 

 

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.