LEAVE NO TRACE : chronique

18-09-2018 - 17:12 - Par

LEAVE NO TRACE : chronique

Debra Granik continue d’étudier une Amérique souvent invisible au cinéma. Simple, sincère et d’une grande humanité.

 

Un père (Ben Foster), Will, et sa fille Tom (Thomasin McKenzie) vivent dans les bois. Puis les autorités les découvrent et tentent de les resocialiser… Son premier long, DOWN TO THE BONE, contait la bataille d’une mère contre son addiction à la drogue. Son deuxième, WINTER’S BONE, suivait une jeune fille confrontée à la dureté d’une vie de dénuement. Son troisième, le documentaire STRAY DOG, tirait le portrait d’un biker, soldat vétéran, amoureux des chiens. Il y a un peu de tout ça dans la nouvelle réalisation de Debra Granik, LEAVE NO TRACE. Dans ce drame éthéré refusant la dramaturgie à outrance, on trouve la quintessence de l’Amérique que Granik s’évertue à filmer depuis quinze ans : les « petites gens » dont les États-Unis ne savent que faire. « Ils ne pensent pas que j’étais à ma place [dans les bois] », explique Tom à des camarades de foyer. Se rêvant pays de la liberté et des opportunités, l’Amérique se voit forcée, chez Granik, de se regarder en face, et le reflet n’a rien de triomphal ou de triomphant. Ici, les vétérans sont SDF, revendent leur traitement pour le syndrome post-traumatique pour se payer des vivres. On voit sa santé mentale, son humanité, testée par une ma- chine à la voix robotique dont on ne sait si elle juge, approuve ou punit. Le brio de LEAVE NO TRACE réside pourtant dans son refus du catastrophisme. Par sa réalisation naturaliste, Granik s’attache à replacer l’humain et son cœur au centre de tout. Film sans antagoniste – même les agents du système social, au final, ne veulent aucun mal à Will et à sa fille – LEAVE NO TRACE observe surtout le quotidien. Les regards sont vitaux – et particulièrement ceux, d’une tristesse infinie, de Will, brillamment campé par un Ben Foster domptant subtilement les névroses de son personnage. Les rencontres le sont tout autant : peu à peu, Granik lève le voile sur une autre Amérique, plus apaisée, consciente de ne pas servir les appétits de grandeur du pays, mais le vivant en toute sérénité, dans le respect de soi et des autres. Cela ne guérit pas de tous les maux. Mais, à l’image de cette ruche dont Tom peut s’approcher sans « être obligée d’en avoir peur », cela permet de rappeler que si le groupe peut peser sur l’individu, il peut aussi l’aider à s’affirmer. En écoutant attentivement ses deux protagonistes, en offrant à leurs envies de solitude ou de socialisation une résonance émotionnelle, LEAVE NO TRACE a l’élégance de ne pas asséner de solution toute faite. Au contraire d’une Amérique souvent trop péremptoire, Granik exalte la beauté du choix. La véritable liberté. 

De Debra Granik. Avec Ben Foster, Thomasin McKenzie, Dale Dickey. États-Unis. 1h48. Sortie le 19 septembre

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