LA COMMUNION : chronique

03-03-2020 - 10:21 - Par

LA COMMUNION : chronique

En racontant la réinsertion impossible d’un jeune délinquant qui se fait passer pour un prêtre, Jan Komasa démonte le système dans un film percutant.

 

Le milieu carcéral a largement été documenté à l’écran. Ses arcanes ou son ultra-violence ont nourri l’imaginaire de bien des auteurs. Y avait-il encore quelque chose à filmer ? Ses conséquences et la marque indélébile qu’ils impriment sur les individus peut-être, auxquels Jan Komasa agrège une histoire d’imposture. Le film démarre par une scène convulsive de règlement de compte, à l’intérieur d’un atelier. Elle pose d’emblée la violence extrême du milieu carcéral dans lequel évolue Daniel (Bartosz Bielenia). On offre au jeune criminel l’opportunité de se réinsérer dans la société, en travaillant dans une menuiserie, perdue dans un village reculé. Pendant son incarcération, Daniel a rencontré Dieu mais son passé meurtrier l’empêche d’embrasser sa vocation religieuse. L’habit faisant le moine, Daniel se glisse dans la soutane d’un ecclésiaste et prend bientôt en charge la paroisse du petit village. La suite du récit expose les conflits qui agitent une communauté meurtrie par la disparition de ses enfants. Daniel panse les plaies des villageois, à l’occasion de sermons peu orthodoxes et son charisme fédère là où il y avait dissensions. Le faux prêtre libère la culpabilité enfouie chez ses ouailles, répare et ressoude des individus divisés. Le personnage principal n’a rien d’un saint. Drogues et sexe accompagnent un parcours spirituel qui pose la question de la foi. LA COMMUNION évoque aussi la jeunesse polonaise et d’un pays où la fracture sociale cristallise tous les antagonismes. Jan Komasa – dont c’est le premier long-métrage qui sort en France – démontre l’échec d’un système qui n’offre pas de seconde chance à la jeune génération. Il le fait à sa manière viscérale, en adoptant une mise scène sophistiquée et intelligente : fixité des plans vrillée par l’affolement soudain d’une caméra à l’épaule, lumière métallique qui contraste avec les trouées bienfaitrices d’un soleil divin, construction rigoureuse du récit et surtout, l’interprétation magistrale de Bartosz Bielenia dans le rôle principal. Son physique androgyne ne semblait pas prédestiner le comédien de théâtre à endosser un rôle aussi physique à l’écran. Avec son regard halluciné et son corps pris dans la transe d’une musique techno, il habite son rôle de bout en bout. Séduisant ou inquiétant, son personnage brouille la frontière entre le Bien et le Mal pour nous amener à explorer la zone grise des sentiments. Brûlot politique, LA COMMUNION atteste de la vitalité d’un cinéma polonais touché, comme son héros ambivalent, par la grâce. 

De Jan Komasa. Avec Bartosz Bielenia, Aleksandra Konieczna. Pologne. 1h55. Sortie le 4 mars

4Etoiles

 

 

 

 

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