MONOS : chronique

03-03-2020 - 10:23 - Par

MONOS : chronique

Oeuvre-monstre sur la chute des sociétés, la fin des idéaux et le cycle de la violence, MONOS est aussi intimidant qu’entêtant.

 

Des enfants soldats vivent de manière autonome sur un haut plateau, parfois visités par un messager qui les rappelle aux ordres. Après leur avoir confié la garde d’une otage américaine (Julianne Nicholson), il leur donne maintenant une vache, prêtée pour la cause, qu’il faudra rendre à son propriétaire en bonne santé. Seulement, à peine les gamins seuls avec leurs excès de sève et leurs armes, la bête meurt sous les balles. La cohésion fragile du groupe vole en éclat. Leurs supérieurs de commandement réclament des comptes. La lutte armée à laquelle ils participent va doucement s’infiltrer dans leurs rangs. Intestine, charnelle. Sans vraiment d’idéologie autre que celle du pouvoir. On pense évidemment au jeu de massacre de « Sa Majesté des mouches » et à les voir tous sombrer dans la folie en s’enfonçant dans la jungle, à APOCALYPSE NOW. Ou, référence plus récente, on envisage MONOS comme un contrepoint plus universel à PIRANHAS, chronique effarante des « baby-gangs » de Naples. La violence dévore tout et nourrit l’instinct de survie. Elle rend fou et opère un retour au primal, où des ados en âge de se déguiser pour Halloween se badigeonnent de peintures de guerre et pratiquent des danses ancestrales. Où sommes-nous à part si près de la terre qu’elle va nous engloutir ? On imagine le film ultra-réaliste quand il dépeint les guérillas amazoniennes et pourtant, le voyage que propose Alejandro Landes dans une jungle hallucinée regorge d’images fantastiques. C’est un conte, où les personnages s’appellent Rambo, Bigfoot et Boom-Boom et convoquent des figures de puissance, où les conflits sont sans nom et où l’otage n’a, pour le spectateur, ni passé ni futur. Par effet d’échelle, avec des paysages dantesques, nos soldats sont parfois les habitants minuscules d’une terre sacrée, d’autres fois les géants d’un territoire à dompter. Ils sont mythologiques, déifiés. Si MONOS est fort de son imagerie tonitruante, au point d’avoir des airs de récit philosophique post-apocalyptique – comment savoir en quelle année on est ? –, Alejandro Landes n’oublie pas la réalité politique et sociale de son pays qui tient en une question : quelle réhabilitation pour ceux qui en réchappent ? Après nous avoir aveuglés avec des images colossales de lutte, de fureur et de mort – aveuglés comme le sont eux-mêmes ces enfants-soldats – et étourdis d’une musique massive (celle de Mica Levi), comment recouvrer le sens des réalités ? Et ainsi, casser le cercle de la violence ? Cette fresque épique autour du monstre guerre n’apporte aucune réponse mais soulève, intensément, fiévreusement, les bonnes questions.

D’Alejandro Landes. Avec Julián Giraldo, Moises Arias, Julianne Nicholson. Colombie / Argentine / Pays-Bas. 1h42. Sortie le 4 mars

4Etoiles

 

 

 

 

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