LA TERRE ET LE SANG : chronique

16-04-2020 - 13:23 - Par

LA TERRE ET LE SANG : chronique

Des gangsters prennent une scierie d’assaut pour récupérer de la drogue cachée à l’intérieur. Du western rural made in France.

 

Le casse d’un commissariat qui a viré sucette ; de la cocaïne planquée dans une scierie. Un patron (Sami Bouajila) prêt à accueillir à coups de fusil de chasse les malfrats venus récupérer leur came. Julien Leclercq pose sa caméra dans la France rurale, pour un western en milieu boisé comme on n’en voit pas beaucoup par chez nous. Quel plaisir de voir un cinéaste utiliser la richesse géographique du pays et comprendre son potentiel de décor de film de genre. Car si LA TERRE ET LE SANG commence comme un film de braquage urbain traditionnel (comme BRAQUEURS, par exemple, sans que ce soit une mauvaise chose, d’ailleurs), le personnage de Saïd, droit dans ses bottes, taiseux, grave, manuel, le remet à sa place, dans un cinéma plus authentique, plus terreux, qui capitalise peut-être moins sur l’action que sur l’étude de ses caractères. On pense, sans que le film de Julien Leclercq ne cherche vraiment à rivaliser, au sublime LES BRASIERS DE LA COLÈRE de Scott Cooper, film sur la détermination du bien face à la corruption morale. Il y a donc des codes du cinéma américain dans LA TERRE ET LE SANG, mais jamais une américanisation vulgaire. Du vrai cinéma français, d’une efficacité redoutable. Au centre du récit donc, Saïd, mais aussi sa fille, jeune femme sourde (Sofia Lesaffre, très convaincante), et son apprenti, victime de son milieu (Samy Seghir) mais courageux. De ce trio, se dégagent un héroïsme discret, une sorte d’humilité et de quotidienneté, combattant élégamment la violence dévorante du gang qui vient les agresser. La dimension sociale du film vient de nos trois protagonistes, courant tous après une vie qui ne leur fait pas de cadeaux d’un côté, et de l’autre, pourchassés par une mort certaine. Leclercq dégraisse LA TERRE ET LE SANG de tout effet superflu, filme l’action avec une caméra sèche, nerveuse, et va à l’essentiel, sans perdre de vue ce qu’il a à raconter : la défense face à l’attaque. Il utilise à plein la beauté et la brutalité de ses décors, condense, ramasse, afin d’arriver à un récit court (1h20) et intense, comme un sprint hors d’haleine. On pourrait arguer que dès qu’il aborde les sous-intrigues des gangsters, le réalisateur met son film en surrégime et qu’éventuellement, cela sort le spectateur de l’immersion dans laquelle le jeu naturel et puissant de Sami Bouajila l’avait plongé. Car c’est bien lui, l’atout de LA TERRE ET LE SANG. Il rappelle ainsi qu’il est l’un des meilleurs acteurs français. Étrangement, c’est dans un cinéma plus « commercial », moins « auteur », que le large spectre de son jeu fait des miracles.

De Julien Leclercq. Avec Sami Bouajila, Eriq Ebouaney, Samy Seghir. France. 1h20. Disponible le 17 avril sur Netflix

4Etoiles

 

 

 

 

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