HONEY BOY : chronique

14-04-2020 - 17:33 - Par

HONEY BOY : chronique

Devant la caméra d’Alma Har’el, Shia LaBeouf – au scénario et dans un des rôles principaux – revient sur la douloureuse relation qui l’unit à son père. Sublime.

 

Au centre de HONEY BOY, un paradoxe. Lors d’une session de thérapie, Otis (Lucas Hedges), acteur, hurle à la psy de son centre de désintoxication : « La seule chose que mon père m’a jamais donné, c’est cette douleur. Et vous voulez me l’enlever ? » Pour atteindre la résilience, Otis doit comprendre que la souffrance n’est pas un prérequis à la création artistique. Pourtant, peut-être que cet exercice de catharsis qu’est HONEY BOY ne serait pas un si grand film si Shia LaBeouf n’avait pas subi autant. Totalement autobiographique puisque l’acteur en a débuté l’écriture à la demande de sa psy alors qu’il était lui-même en cure, HONEY BOY dévaste parce qu’il est d’une absolue sincérité, sans jeu ni faux-semblants. Le comédien ne dévoile pas ses traumas et son passé dans un grand élan exhibitionniste ou misérabiliste. Il s’agit uniquement d’une quête de résilience – il écrit le script mais incarne aussi son père, accentuant la nature méta et purificatoire. Et d’une exploration complexe des émotions d’un garçon adorable de 12 ans (campé par le toujours splendide Noah Jupe), puis du jeune homme heurté de 22 ans qu’il est devenu. HONEY BOY n’excuse aucun comportement des uns et des autres, tout juste cherche-t-il à en comprendre les raisons. Là, l’écrin que la cinéaste Alma Har’el fabrique autour de ses acteurs s’avère capital. Crue lors de récurrentes scènes de confrontation dans un décor minuscule de chambre miteuse de motel, plus esthétisante quand elle laisse les éléments prendre le dessus – un coucher de soleil enveloppant, une forêt comme réceptacle de tous les cris, des lumières nocturnes en forme de champ des possibles… –, sa mise en scène saisit avec empathie la dureté de ce que LaBeouf raconte. Les performances naturalistes portent le film au fil d’une narration diffuse, contemplative ou plus vive, mais jamais mue par des schémas dramaturgiques trop stricts ou calculés. Les peines et douleurs de Otis / Shia lardent l’écran comme des coups de poignard et l’on saisit alors le sens profond des deux plans, similaires, introduisant Otis adulte et enfant au début du film : sur un tournage, l’acteur est tiré en arrière par un filin pour le besoin d’une scène comme si, d’année en année, il n’avait cessé de tomber dans un puits sans fond. Cette chute, LaBeouf l’analyse avec courage – il faut voir la dureté avec laquelle il regarde l’enfant et le jeune homme qu’il a pu être. Certains acteurs aiment prétendre se « mettre en danger » ou « à nu » pour un rôle. Mais rares sont allés aussi loin, et pour un résultat aussi bouleversant, que Shia LaBeouf dans HONEY BOY. 

D’Alma Har’el. Avec Noah Jupe, Shia LaBeouf, Lucas Hedges. États-Unis. 1h34. Disponible en VOD le 15 avril

 

 

 

 

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.