HIS HOUSE : chronique

30-10-2020 - 09:45 - Par

HIS HOUSE : chronique

Un premier film audacieux par un jeune metteur en scène dont l’univers semble aussi singulier que prometteur.

 

Bol (Sope Dirisu, GANGS OF LONDON) et Rial (Wunmi Mosaku, LOVECRAFT COUNTRY), deux migrants soudanais, passent en Angleterre, mais perdent leur fille dans la traversée. Après une longue période transitoire dans un camp, l’État leur propose un statut de demandeurs d’asile, une pension misérable et une maison grande, peut-être, mais délabrée. Bol veut s’intégrer et aller de l’avant ; Rial, elle, encore sous le choc, se replie sur elle-même. Soudain, des présences surnaturelles, des monstres, surgissent des murs. La culpabilité des survivants ? Des visions de la tempête qui leur a tout pris les assaillent. Comment jouir du confort, même spartiate, quand d’autres ont perdu la vie à courir après la providentielle Europe ? Les fantômes des précédents occupants ? Les chimères de la sacro-sainte assimilation ? Des manifestations de l’hostilité ambiante ? Bol et Rial ne sont pas les bienvenus. Malheureusement, cette demeure de l’horreur est aussi une impasse : ils n’ont pas le droit d’en bouger, obligés d’être à portée de main des services sociaux. À chaque tentative de Bol d’expliquer son malaise à son conseiller (Matt Smith), c’est le service entier qui ironise sur l’ingratitude des étrangers. Remi Weekes, le jeune réalisateur de HIS HOUSE, explore toutes les possibilités du cinéma d’horreur. L’influence de LA QUATRIÈME DIMENSION est évidente lorsqu’il perd Rial dans un labyrinthe de résidences HLM. Mais le film ne se résume jamais à ces écrasantes figures séminales ou à des effets déjà-vus. Weekes a intégré que le réalisme vampirisant une partie du cinéma britannique est totalement soluble dans le cinéma de genre. Le réalisateur Joe Cornish avait déjà fait la synthèse du fantastique et du réalisme dans ATTACK THE BLOCK mais Weekes va plus loin, en mélangeant un ton résolument social, les croyances africaines, le racisme et l’horreur des passages clandestins. Ce qui aurait pu être le concept d’un épisode chic de BLACK MIRROR se transforme en un éloquent portrait d’un cauchemar africain, mais du point de vue africain. La réalisation mise tout sur le sens des images, plutôt que sur les effets toc. La peur vient davantage de ce qui est sous nos yeux que de ce qui est suggéré. Très probablement dopées par ce changement de perspective, les performances de Sope Dirisu et Wunmi Mosaku sont des modèles de nuances. Lui, qu’on connaît si puissant, fait danser Bol entre fragilité et détermination. Elle, a dans le regard la dignité des grands personnages tragiques. La singularité de HIS HOUSE est autant due à l’univers riche de Remi Weekes qu’à l’interprétation sans fausse note de ses acteurs.

De Remi Weekes. Avec Wunmi Mosaku, Sope Dirisu, Matt Smith. Grande-Bretagne. 1h33. Le 30 octobre sur Netflix

4Etoiles

 

 

 

 

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