PIECES OF A WOMAN : chronique

06-01-2021 - 15:25 - Par

PIECES OF A WOMAN : chronique

Le réalisateur hongrois de LA LUNE DE JUPITER et WHITE GOD part à l’étranger pour raconter son histoire la plus personnelle. Un film-choc sur le deuil d’une femme.

 

Ces dernières années, Kornél Mundruczó flirtait avec les codes du cinéma américain : WHITE GOD renvoyait plus ou moins directement au WHITE DOG de Samuel Fuller et LA LUNE DE JUPITER revisitait, façon Europe centrale, le film de super-héros. Il passe à l’acte. Bien que tourné au Canada, son PIECES OF A WOMAN se déroule à Boston, où un jeune couple attend son premier enfant. Ils désirent que l’accouchement se fasse à la maison. Un soir, Martha (Vanessa Kirby) et Sean (Shia LaBeouf) rentrent chez eux après le boulot et la caméra ne va plus les lâcher. C’est le moment. Elle perd les eaux, lui téléphone à la sage-femme. Bien qu’ils aient déjà passé ce film dans leur tête des dizaines de fois, il y a un affolement, une danse heurtée que le plan-séquence fait monter en tension. Vingt-trois minutes de respirations, de cris, de poussées plus tard, le bébé est mort-né. Sur l’écran et devant nos écrans, c’est la sidération. L’incompréhension. Tout le monde autour de Martha blâme une sage-femme remplaçante qui a trop attendu avant d’appeler les secours. Il y aura un procès. Il faut choisir le cercueil. Martha peut-elle sauver son couple ? Le veut-elle ? La quête de réponse des autres, et notamment de sa mère (Ellen Burstyn), devient sa culpabilité. Les deuils et les souffrances des autres sont une croix de plus à porter. Ce portrait si juste, si triste, si cruel de cette femme inconsolable ne pouvait être écrit que par une femme qui est passée par là. La scénariste, Kata Wéber, a perdu elle aussi son enfant. Kornél Mundruczó, son compagnon, également. La Hongrie, l’Amérique c’est du pareil au même. Mais l’histoire de Martha reste singulière par le rapport qu’elle entretient à sa mère, polonaise, juive et rescapée des horreurs de la Seconde Guerre mondiale. Et par le fait qu’avec Sean, elle forme un couple progressiste, et que peut-être pensaient-ils que leur confort intellectuel et matériel les préserverait de la tragédie. La culpabilité n’en est que plus forte. Alors qu’autour d’elle, on cherche à qui la faute, Martha fait un travail profond de deuil par pur instinct de survie. L’incarnation de toutes ces douleurs par Vanessa Kirby est une leçon. Shia LaBeouf, intense, furax, et Ellen Burstyn, intérieure et explosive, la poussent dans les coins les plus sombres d’une performance à l’os. Impressionnante prestation devant la caméra pudique de Mundruczó qui dégraisse un cinéma déjà réaliste de tout artifice. Seul compte pour lui le langage de l’image pour raconter la douleur indicible, la précision du cadre et le visage de son actrice. Mundruczó a trouvé un langage universel.

De Kornél Mundruczó. Avec Vanessa Kirby, Shia LaBeouf, Ellen Burstyn. États-Unis / Canada. 2h06. Sur Netflix le 7 janvier

4Etoiles

 

 

 

 

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