Cannes 2021 : LAMB / Critique

13-07-2021 - 12:50 - Par

Cannes 2021 : LAMB / Critique

De Valdimar Jóhannsson. Sélection officielle, Un Certain Regard.

 

Synopsis officiel : María et Ingvar vivent reclus avec leur troupeau de moutons dans une ferme en Islande. Lorsqu’ils découvrent un mystérieux nouveau-né, ils décident de le garder et de l’élever comme leur enfant. Cette nouvelle perspective apporte beaucoup de bonheur au couple, mais la nature leur réserve une dernière surprise…

En Islande, dans une ferme isolée, un couple d’éleveurs (Maria et Ingvar joués par Noomi Rapace et Hilmir Snær Guðnason) assiste à la mise-bas d’une brebis. Vient au monde une créature mi-humaine mi-agneau. Ils recueillent « l’enfant » et l’élèvent comme le leur. Valdimar Jóhannsson, dont c’est ici, à 43 ans, l’épatant premier long-métrage, ne filme jamais ce postulat extraordinaire comme du cinéma fantastique. Au contraire, LAMB a d’abord des airs de BÉLIERS (de Grimur Hákonarson, 2015) en version dramatique, tout du film islandais naturaliste, de grands espaces brumeux, de nappes de silence (le premier mot est prononcé au bout de 10-15 minutes de film) et de pulls en mérinos. Contemplatif souvent, jamais performatif. Les deux agriculteurs voient en Ada – c’est le nom qu’ils lui ont donné naturellement – la nature à l’œuvre, et leur stoïcisme est aussi celui du film. Leur isolement ne préservera pas longtemps le couple du jugement. Leurs certitudes feutrées et leurs silences entendus vont se heurter aux regards extérieurs. Le plus accusateur est celui de la mère d’Ada, qui vient bêler sous les fenêtres pour qu’on lui rende sa petite, comme une sirène d’alarme sordide – rappelant la barbarie de la déshumanisation des animaux de la ferme, aussi bio soient les éleveurs. LAMB dénonce la hiérarchisation des espèces mais son engagement antispéciste n’est jamais affiché de manière ostentatoire, lourde ou didactique mais est traité par la fiction. L’autre contrepoint à l’étrange déni de Maria et Ingvar vient du frère de ce dernier, rockeur raté qui débarque dans la ferme, s’émeut de l’existence d’Ada et affiche un conservatisme en rupture avec son look plutôt antisystème. Au premier réflexe de colère et de rejet succède une relation plus complexe avec la jeune fille, aussi parce qu’il est dans le secret du couple et qu’il peut se mettre à leur place. Grâce à lui, se dévoile un passé, des fantômes et un trio de quadra pathétiques. Peut-on être et avoir été ? C’est dans cette question-clé que LAMB trouve son intérêt : quand il explique par le sentiment d’échec des humains leur envie de revanche et de domination. Par la force comme par le mental, par la confrontation comme par l’affirmation implicite de sa position oppressive, l’Homme pense que son bonheur est un dû. Fable beaucoup plus fine et universelle que ses airs de petit cinéma de genre pourraient laisser penser, LAMB vaut aussi beaucoup pour sa fin sidérante, s’achevant là où bien d’autres films auraient démarré. Lui ouvre au spectateur un univers de terreur insoupçonnée.

De Valdimar Jóhannsson, avec Noomi Rapace, Hilmir Snær Guðnason, Björn Hlynur Haraldsson. Islande. 1h46

 

 

LAMB

 

 

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