Cannes 2021 : BELLE / Critique

17-07-2021 - 11:01 - Par

Cannes 2021 : BELLE / Critique

De Mamoru Hosoda. Sélection officielle, Cannes Première

 

Dans un monde aux contours curieux, semblant ressembler à une carte-mère transformée en ville, une nuée foisonnante de petits personnages divers et variés s’attroupent. Sur une musique J-Pop tubesque débarque une immense baleine recouverte d’enceintes, surmontée d’une très jolie chanteuse aux longs cheveux roses, toute de rouge vêtue. Visuellement stupéfiante, dense et généreuse, cette introduction donne le ton, et le reste de BELLE de Mamoru Hosoda fera la chanson. Avec son déluge de couleurs et d’inventivité, le cinéaste, qui était à Cannes il y a trois ans avec MIRAÏ, MA PETITE SOEUR, use et abuse de tout ce que peut l’animation pour un spectacle à nul autre pareil. Ce monde est celui virtuel de U, un nouveau réseau social, façon SECOND LIFE rencontre READY PLAYER ONE, où chacun peut avoir un AS, un avatar qui lui permet de se révéler. Et cette chanteuse, la Belle du titre, est en réalité Suzu, une lycéenne de 17 ans mal dans sa peau, terrain miné depuis que sa mère est morte en voulant sauver un autre enfant. Aidée de son amie geek/manager/mini-despote, elle trouve un nouveau souffle dans cet U-nivers et récupère la voix qu’elle a perdu IRL. Un jour la Belle rencontre la Bête, un mystérieux avatar violent, craint par l’ensemble du réseau, qui cache un tragique secret.

Déjà en 2009, Mamoru Hosoda mettait en scène un monde virtuel, appelé Oz, dans SUMMER WARS, et jouait avec une certaine inquiétude des conséquences du tout informatique dans un combat type Deep Blue vs Kasparov entre un jeune mathématicien et une IA. Avec BELLE, Mamoru Hosoda semble avoir adouci son point de vue vis à vis du virtuel, en particulier chez les adolescents. S’il n’ignore pas la violence des réseaux sociaux qui créent des idoles pour mieux les brûler, il y voit aussi la possibilité cathartique et créative qu’ils représentent. Visuellement déjà, en mettant en scène différents mondes, toujours plus beaux, aidés notamment par les équipes irlandaises de Cartoon Saloon, supervisées par Tomm Moore et Ross Stewart (LE PEUPLE LOUP), le cinéaste rappelle l’espace d’invention que le web représente si l’on en accepte les règles. Ouvertement tourné vers un public plus jeune, qui a grandi avec ces outils, Mamoru Hosoda les encourage à les explorer et à les utiliser, à la fois comme des exutoires, mais surtout comme des lieux performatifs, loin des contraintes du réel dont lui ne s’embarrasse pas du tout dans son animation. En parallèle, il ne satisfait pas de la réputation narcissique et isolante des réseaux sociaux, en particulier chez les plus jeunes, et en propose une autre lecture, un autre idéal à promouvoir. À travers une intrigue qui ne va pas du tout là où l’attend, il fait dialoguer le réel et le virtuel en permanence, l’un influençant constamment l’autre. Au bout du « conte », qui reprend les grandes lignes de la BELLE ET LA BÊTE qu’il détourne ensuite, le cinéaste japonais nous entraîne dans une fable fantastique sur la quête de confiance en soi et la prise de conscience du monde qui nous entoure. Pour que chaque voix ait une chance d’être entendue.

De Mamoru Hosoda. Animation. Japon. 2h02. En salles le 29 décembre

 

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