FIRST COW : chronique

20-10-2021 - 08:01 - Par

FIRST COW : chronique

Kelly Reichardt retrouve la luxuriance des forêts de l’Oregon. Certaines des thématiques d’OLD JOY et sa splendeur.

 

Il suffit d’un rien pour que FIRST COW s’empare du spectateur : le plan d’un navire sur un fleuve, un oiseau qui piaille, une brise dans les arbres, un chien qui gratte le sol et sa maîtresse qui découvre sous quelques centimètres de terre deux squelettes, allongés côte à côte. Suit un immédiat saut dans le passé, vers les années 1820 où, en quelques images comme surgies d’une nouvelle rêche de Jack London, Reichardt suit les mains d’un homme qui cueille des champignons, avant d’élargir le cadre pour replacer le personnage dans la nature. Cookie, cuisinier d’un groupe de trappeurs, va bientôt sauver la vie d’un fugitif chinois, King-Lu. Ensemble, ils vont profiter de l’arrivée dans la région de la première vache : la nuit, à l’insu de son propriétaire, ils la traient afin de confectionner avec le lait des muffins qu’ils vendent au marché… Sur la musique éthérée de William Tyler, Kelly Reichardt convoque les fantômes de son meilleur film jusqu’alors, OLD JOY. Ses cadres en 1.33 réduisent inexorablement l’espace entre ses protagonistes et la nature, dont ils vivent avec respect – il faut voir Cookie (sublime John Magaro) réconforter la vache durant la traite, comme pour lui offrir quelque chose en échange de son lait. Patiemment, la relation entre Cookie et King-Lu se construit, une amitié masculine dénuée de toute agressivité ou notion de compétition, bien que portée par l’ambition des deux hommes qui, forcément, voient en leur entreprise une manière de sortir du dénuement. Tout FIRST COW se déploie sur cet élan entre quiétude et élégie, où la forêt impose son rythme et sa dureté, alors que l’automne, saison sépulcrale, vient embellir l’image de ses couleurs captées par la photo tout en textures de Christopher Blauvelt. Une cadence s’insinuant jusque dans cette mise en scène placide qui dissimule pourtant des tempêtes de sentiments, et où des mouvements de caméra précis relient des compositions qui le sont tout autant. FIRST COW chronique une hiérarchie sociale, la difficile survie dans un monde hostile, les attaques que cette nature subit d’un système économique libéral qui en exploite les ressources sans raison. Mais il conserve cette âme reposante, poétique, où la tristesse, la peur et la conscience d’être remplaçable n’empêchent jamais l’humanité, l’empathie, la sympathie et la loyauté. Rares sont les cinéastes capables de capter autant en faisant visiblement si peu. Kelly Reichardt, en construisant FIRST COW de mille petits gestes, du plus anodin au plus signifiant, saisit de ses personnages et de cette nature une vérité indicible, mais profondément charnelle. 

De Kelly Reichardt. Avec John Magaro, Orion Lee, Toby Jones. États-Unis. 2h02. En salles le 20 octobre

4Etoiles

 

 

 

 

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