PLEASURE : chronique

20-10-2021 - 08:03 - Par

PLEASURE : chronique

Ninja Thyberg suit une jeune femme cherchant à percer dans l’industrie du X. Sans putasserie ni moralisme, d’une justesse absolue.

 

Bella (Sofia Kappel), 19 ans, Suédoise, arrive à Los Angeles espérant devenir star du X. Logée par son agent dans une maison aux côtés d’autres femmes, toutes actrices porno, Bella enchaîne les tournages et une grande variété d’expériences. PLEASURE se confrontait à deux risques potentiels : d’un côté, chroniquer le monde du X avec putasserie, regardant son actrice et son personnage avec concupiscence, laissant – consciemment ou pas – les codes du X prendre le dessus sur le film pour en faire un spectacle. De l’autre côté, appliquer un filtre ultra-moral sur l’activité de Bella et la « punir » pour ses intentions, ses ambitions et ses activités. PLEASURE, miraculeusement, évite l’un comme l’autre et danse sur une ligne très fine et périlleuse, avec une habileté assez folle – d’autant qu’il s’agit d’un premier long, la cinéaste suédoise Ninja Thyberg reprenant ici le sujet d’un de ses courts. Un exemple ? Sur un écran noir, PLEASURE débute sur une bande-son de film porno, vite remplacée par une musique liturgique… Thyberg prend tout d’abord le parti d’un regard quasi documentaire, forcément cru, et filme plein cadre le rasage d’un sexe féminin, une érection ou la signature d’un contrat de consentement. Une manière de faire croire que PLEASURE ne cachera rien, dévoilant tout en une avalanche choc un peu triviale. Au contraire, le point de vue très assuré de Thyberg prend immédiatement le relais, en un exercice brillant de mise en scène où de savants cadrages laissent croire au spectateur qu’il voit, sans que rien ne soit dévoilé à l’écran. Fort de ce désamorçage, PLEASURE peut alors se concentrer sur son personnage, son histoire et son propos, et observer tout le spectre de son univers. Si Thyberg filme la nature ultra concurrentielle du X, cette lutte des classes où s’affrontent les besogneux et les aristocrates, elle n’en oublie pas la camaraderie. La manipulation répond à la bienveillance et inversement. Et si Bella traverse la plupart des tournages en toute sécurité, la réalisatrice ne cache pas ceux plus inconfortables voire dérangeants et prend le soin de rappeler, souvent par sa mise en scène, qu’aussi surprenantes ou extrêmes soient-elles, les limites de l’une ne sont pas celles d’une autre. Le tout, sans juger Bella ou motiver son parcours par le moindre traumatisme – « j’aime juste baiser », dit-elle quand un homme l’interroge sur son parcours. Si bien que PLEASURE, plus que potentielle critique du X, se fait surtout chronique d’un milieu et du système patriarcal, et étude de personnage – brillamment écrit et interprété. 

De Ninja Thyberg. Avec Sofia Kappel, Revika Anne Reustle, Evelyn Claire. Suède. 1h49. En salles le 20 octobre

4Etoiles

 

 

 

 

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