PIG : chronique

26-10-2021 - 14:25 - Par

PIG : chronique

Nicolas Cage part à la recherche de la truie truffière qu’on lui a volée dans un film émouvant et singulier.

 

Rob (Nicolas Cage) vit reclus dans les grandes forêts d’Oregon, du commerce de la truffe, grâce à sa truie. Son seul acheteur (Alex Wolff), Amir, un jeune homme fortuné avec qui il n’échange aucune parole, le paie en produits de première nécessité. Une nuit, on s’introduit dans son chalet par effraction, on lui vole son animal. Démuni, Rob n’a pas d’autre choix que de renouer avec la civilisation pour partir à sa recherche. Il demande à son client de le conduire à Portland afin de remonter la piste de la poignée de spécialistes qui pourrait en vouloir à ses truffes. Même si l’intrigue de PIG ne repose jamais sur de grandes révélations ou des twists accrocheurs, en dire davantage serait priver le futur spectateur du plaisir de voir le petit monde de PIG se déployer vers des sommets de mélancolie et de tristesse. Ce serait gâcher le portrait impeccable que Nicolas Cage fait de cet homme seul, qui va traîner ses oripeaux de clochard et son mutisme doux de restaurants en caves interlopes, dans un Portland de hipsters, gentrifié par les établissements pompeux et le nouveau mercantilisme de la gastronomie. Pire : résumer plus avant PIG ne pourrait jamais rendre honneur à l’atmosphère capiteuse et frelatée que Michael Sarnoski, esthète peignant au noir, instaure dès lors qu’il place sa caméra chez les riches de la côte Ouest, cet Oregon à l’image si authentique. À travers PIG, Sarnoski interroge comment le geste altruiste de cuisiner a été corrompu et transformé en une industrie. Du cas particulier des arts de la table, PIG parle finalement du délitement du lien humain, de la mort de l’émotion devant le cynisme. Mais, si Rémi offre à Anton Ego le cadeau de retourner en enfance avec une simple RATATOUILLE, dans PIG, la cuisine ne sauve pas le monde. Le regard de Sarnoski laisse peu de place à l’enchantement. Des traits de poésie résistent à la tristesse et la désolation de PIG. Si Nicolas Cage parvient à émouvoir grâce à un jeu minimaliste, contrit et intérieur – d’ailleurs, quand il finit par exploser, il surjoue –, Alex Wolff lui, l’émotion toujours à bonne distance, incarne avec finesse le jeune gamin riche et dévasté. Les destins brisés de Rob et d’Amir se dévoilent ensemble, dans le poids de la mort et le rapport conflictuel à leur environnement. Il y a un air de buddy movie dans leur complicité tacite, apportant un peu de légèreté au roman très noir qu’ils vivent à deux. Stoïque et sidéré, l’un et l’autre traversent PIG comme des personnages de FIGHT CLUB : ils regardent hébétés le monde se parer d’obscénité. Faut-il tout faire exploser ou aller se coucher ? PIG, une certaine photographie du monde. 

De Michael Sarnoski. Avec Nicolas Cage, Alex Wolff, Adam Arkin. États-Unis. 1h31. En salles le 27 octobre

4Etoiles

 

 

 

 

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.