LA MÉTHODE WILLIAMS : chronique

30-11-2021 - 16:52 - Par

LA MÉTHODE WILLIAMS : chronique

Biopic dans le biopic, film féministe et ode au patriarche… LA MÉTHODE WILLIAMS est incongru dans le cinéma contemporain, mais reste rattrapé par Hollywood.

 

Quand a été annoncé le « biopic des sœurs Williams », avec son pitch centré sur Richard, le père, les sourcils se sont froncés : y avait-il prisme plus patriarcal pour raconter les deux plus grandes championnes du tennis ? Au final, il n’y a surtout pas prisme plus malin. Richard Williams a aidé deux de ses filles à s’imposer dans le tennis, devenues ensuite deux icônes du sport féminin, du sport tout court. Il leur a donné les armes pour combattre le déterminisme, pour s’imposer, elles, les deux ados afro-américaines du quartier pauvre de Compton, dans un milieu patriarcal, cadenassé par une classe riche et blanche. Que les sœurs Williams doivent leur ascension à leur père n’enlève rien à leur immense talent. Richard avait un plan : que l’Amérique ne gâche jamais le potentiel de Venus et Serena. Car si Richard est si tenace, c’est qu’il a une revanche à prendre. Joué par Will Smith, dans une performance aussi grossièrement hollywoodienne que parfaitement habitée – mais impressionnante –, le père Williams s’est toujours fait casser la gueule. Par les Blancs du Ku Klux Klan quand il était jeune, par les voyous de Compton dont il essaie de protéger sa famille ensuite. Il erre dans le film, fourbu et fatigué, le crâne fendu ou la joue balafrée, inlassablement. « Ce monde n’a jamais eu de respect pour Richard Williams, dit-il à ses filles, mais vous, il va vous respecter. » Tel un vendeur au porte-à-porte, avec des méthodes pauvres qui, à en croire le contrat social américain, doivent marcher, il va « vendre » ses deux championnes. Chercher de l’argent, des courts dignes de ce nom, des entraîneurs. Pendant qu’il se heurte aux préjugés et à un vague mépris du milieu, ses filles, qui ont une foi indéfectible en leur avenir, peuvent jouir du plaisir sportif et attendre leur heure : c’est leur père qui prend la douleur, la frustration et les micro-agressions. Même quand ses méthodes aboutiront, il ne cessera de soumettre plus avant le tennis américain à la toute-puissance des Williams. Le scénario, politique et dégraissé de dramaturgie superflue, est dévolu à la psychologie complexe de Richard Williams, tétanisé par la peur que l’Amérique trahisse ses filles, et à la lente ascension de Venus (Serena restant un peu dans l’ombre). Parce qu’il y a finalement peu d’antagonisme à l’écran, mais que Richard Williams voit des ennemis partout – le film est brillamment raconté de son point de vue par le réalisateur Reinaldo Marcus Green (MONSTERS & MEN) – LA MÉTHODE WILLIAMS prend tour à tour des airs de comédie sportive (Rick Macci joué par Jon Bernthal est lumineux), de chronique familiale, de portrait psychologique. C’est aussi une ode à ceux nés pour bouleverser les codes. Si le film tire sa puissance du parcours vers la réussite, il s’essouffle malheureusement dès qu’il dresse le palmarès sportif, social et politique des Williams, comme s’il était fort d’être humble et besogneux et qu’il montrait ses limites dans l’autosatisfaction. 

De Reinaldo Marcus Green. Avec Will Smith, Saniyya Sidney, Demi Singleton. États-Unis. 2h. En salles le 1er décembre

3Etoiles

 

 

 

 

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