LAMB : chronique

28-12-2021 - 18:17 - Par

LAMB : chronique

Formidable premier film de l’Islandais Valdimar Jóhannsson sur le rapport tordu de l’homme à la nature. Cinéma minimal pour effet maximal.

 

En Islande, dans une ferme isolée, un couple d’éleveurs (Maria et Ingvar interprétés par Noomi Rapace et Hilmir Snær Guðnason) assiste à la mise-bas d’une brebis. Vient au monde une créature mi-humaine mi-agneau. Ils recueillent « l’enfant » et l’élèvent comme le leur. Valdimar Jóhannsson, dont c’est ici, à 43 ans, l’épatant premier long-métrage, ne filme jamais ce postulat extraordinaire comme du cinéma fantastique spectaculaire. Au contraire, LAMB a d’abord des airs de BÉLIERS (de Grímur Hákonarson, 2015) en version dramatique, tout du film islandais naturaliste, de grands espaces brumeux, de nappes de silence (le premier mot est prononcé au bout de 10-15 minutes de film) et de pulls en mérinos. Contemplatif souvent, jamais performatif. Les deux agriculteurs voient en Ada – c’est le nom qu’ils lui ont donné naturellement – la nature à l’œuvre, et leur stoïcisme est aussi celui du film. Leur isolement ne préservera pas longtemps le couple du jugement. Leurs certitudes feutrées et leurs silences entendus vont se heurter aux regards extérieurs. Le plus accusateur est celui de la mère d’Ada, qui vient bêler sous les fenêtres pour qu’on lui rende sa petite, comme une sirène d’alarme sordide – rappelant la barbarie de la déshumanisation des animaux de la ferme, aussi bio soient les éleveurs. LAMB dénonce la hiérarchisation des espèces mais son engagement anti-spéciste (un peu malgré lui) n’est jamais affiché de manière ostentatoire, lourde ou didactique mais est traité par le tout-fiction. L’autre contrepoint à l’étrange déni de Maria et Ingvar vient du frère de ce dernier, rockeur raté qui débarque dans la ferme, s’émeut de l’existence d’Ada et affiche un conservatisme en rupture avec son look plutôt anti-système. Au premier réflexe de colère et de rejet succède une relation plus complexe avec la jeune fille, aussi parce qu’il est dans le secret du couple et qu’il peut se mettre à leur place. Grâce à lui, se dévoile un passé, des fantômes et un trio de quadra pathétiques. Peut-on être et avoir été ? C’est dans cette question-clé que LAMB trouve son intérêt : quand il explique par le sentiment d’échec des humains leur envie de revanche et de domination. Par la force comme par le mental, par la confrontation comme par l’affirmation implicite de sa position oppressive, l’Homme pense que son bonheur est un dû. Fable beaucoup plus fine et universelle que ses airs de petit cinéma pourraient laisser penser, LAMB vaut aussi beaucoup pour sa fin sidérante, s’achevant là où bien d’autres films auraient démarré. Lui, ouvre au spectateur un univers de terreur insoupçonnée. 

De Valdimar Jóhannsson. Avec Noomi Rapace, Hilmir Snær Guðnason. Islande. 1h46. En salles le 29 décembre

4Etoiles

 

 

 

 

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