L’ANNÉE DU REQUIN : chronique

02-08-2022 - 10:00 - Par

L’ANNÉE DU REQUIN : chronique

L’effet de surprise de TEDDY passé, on peut tout simplement apprécier l’envie des Boukherma de revisiter le cinéma qui les a nourris à la sauce sud-ouest.

 

L’ANNÉE DU REQUIN ne provoquera pas l’effet de sidération de TEDDY, film de loup-garou particulièrement retors avec un Anthony Bajon malaimable et une fin ultraviolente. Il est plus « bon-enfant », plus difficile à prendre au sérieux donc – les films qui tirent la gueule ont toujours plus de crédibilité que ceux qui se marrent –, parce qu’il camoufle la vraie patte de ses auteurs sous une bonne couche de comédie. On rigole bien devant L’ANNÉE DU REQUIN, à plusieurs niveaux. D’abord, on reconnaît la nonchalance du sud-ouest : « On savait que poser son cul sur le sable et on s’en portait bien » dit la voix-off lente et chantante de Ludovic Torrent, entre deux extraits de l’émission matinale d’une radio locale pestant sur les écolos. On rit aussi du détournement des DENTS DE LA MER. Conscients qu’on ne fait pas un film de requin sans se confronter au chef-d’œuvre de Steven Spielberg, les deux frères ont pris le parti d’intégrer et de commenter son influence écrasante, jusqu’à en refaire des scènes en mode franchouillard : on pense à l’affrontement entre les estivants et le Maire qui voudrait interdire la baignade ou une scène de panique sur la plage. On se marre aussi de ce que les frères ont photographié de la France du Covid, qui se découvre un peu complotiste, climatosceptique, vaguement réac’. C’est ce qui se passe quand une catastrophe met un coup d’arrêt à l’économie et au bon vivre d’une population. Le portrait tiré, celui de l’exode des Parisiens vers la province, celui de la France Miko, n’est finalement pas si loin des velléités quasi-anthropologiques de Jacques Tati et de sa France des congés payés. La Pointe. Avec le réchauffement climatique, un requin de 5 mètres, qui fraie dans des eaux d’ordinaire bien plus chaudes, a élu domicile au large et fait ses premières victimes. Maja (jouée par Marina Foïs, sur un ton qui rappelle son personnage culte de Sophie Pétoncule, époque Robins des Bois) veut l’attraper mais finit par semer le chaos. Elle en fait alors une affaire personnelle. Les tropes du cinéma américain (Maja est, par exemple, à quelques jours de la retraite) donnent une structure solide – bien que mécanique – au film qui dans un premier temps se satisfait de son humour potache et de ses spécificités locales puis, soudain, se durcit : l’irruption du réel (la violence des réseaux sociaux, les tabassages gratuits etc.) accompagnée d’une stylisation de l’image vient donner à L’ANNÉE DU REQUIN à la fois une pertinence sociale sévère et une dimension spectaculaire (même si un peu lo-fi) à ce qu’on pouvait un peu trop rapidement avoir catalogué comme une comédie potache. 

De Ludovic et Zoran Boukherma. Avec Marina Foïs, Kad Merad, Jean-Pascal Zadi. France. 1h30. En salles le 3 août

4Etoiles

 

 

 

 

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