EVERYTHING EVERYWHERE ALL AT ONCE : chronique

31-08-2022 - 14:21 - Par

EVERYTHING EVERYWHERE ALL AT ONCE : chronique

Sous influence des Wachowski, une exploration du multivers dont la générosité et la folie sont à la fois les immenses qualités et les talons d’Achille.

 

« Si je dois penser à un truc de plus aujourd’hui, ma tête va exploser », assure Evelyn Wang (Michelle Yeoh) en route à un rendez-vous avec le fisc. Pas de bol pour cette immigrée chinoise patronne d’une laverie : d’autres trucs, elle va en avoir des millions en tête lorsqu’un double de son mari (Ke Huy Quan), venant d’un univers parallèle, lui assure qu’elle seule peut sauver le multivers d’une entité maléfique et lui enseigne à convoquer en elle les compétences des autres Evelyn, nées de ses différents choix de vie… EVERYTHING EVERYWHERE ALL AT ONCE a beau citer très visiblement à l’image IN THE MOOD FOR LOVE, les comédies d’action de Jackie Chan et parodier parfois RATATOUILLE, l’influence qui le définit le mieux s’avère incontestablement le travail des sœurs Wachowski. Empruntant nombre des règles de son univers à SENSE 8 et à MATRIX – reprenant à ce dernier l’iconographie des open spaces et de la bureaucratie comme ultime éradicateur de rêves –, EVERYTHING EVERYWHERE ALL AT ONCE est un peu à l’espace ce que CLOUD ATLAS était au temps : une exploration de nos multitudes. Confronté à l’évident bordel qui accompagne de tels concepts métaphysiques et existentiels, Daniel Kwan et Daniel Scheinert la jouent à l’épate en multipliant les tours de force (le découpage et le montage, les transitions et rappels visuels) et un peu à l’intimidation : ils assument l’effusion de leur narration, le rythme harassant qu’ils imposent au spectateur, l’accumulation d’idées géniales ou triviales et surtout, la folie incessante dans laquelle ils baignent leur film. De ce rouleau-compresseur de sons, d’images, d’histoires, de vannes, de bastons, de jeu sur les ratios et d’explications goguenardes, émerge un objet d’une générosité absolue, où le spectaculaire infuse quasiment dans chaque scène, même les plus quotidiennes, mais qui a l’élégance de ne pas se satisfaire de sa malice et de son savoir-faire et débouche donc sur une vraie dramaturgie. Il en faut, du talent, pour aborder dans un tel tourbillon la dépression, les relations entre générations, les regrets et les ressentiments qu’on nourrit à mesure que nos existences filent, la nécessité du lien – humain, familial, amoureux –, et le faire souvent avec justesse et émotion. Mais à mesure que EVERYTHING… milite pour la bienveillance à l’égard d’une vie simple, il peine à suivre ce qu’il professe. Parce que sa folie n’est jamais canalisée, elle finit trivialisée – tout comme l’expérience des personnages et l’approche qu’en a le public. Un manque de dosage qui n’entache pas son immense qualité mais l’empêche d’atteindre la beauté limpide de ses modèles wachowskiens. 

De Daniel Kwan & Daniel Scheinert. Avec Michelle Yeoh, Ke Huy Quan, Stephanie Hsu. États-Unis. 2h19. En salles le 31 août

4Etoiles

 

 

 

 

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