DON’T WORRY DARLING : chronique

05-09-2022 - 21:04 - Par

DON’T WORRY DARLING : chronique

Le film d’Olivia Wilde se déploie comme un thriller psychologique très moderne, parfois fragile dans sa dramaturgie mais formellement ébouriffant.

 

Alice (Florence Pugh) est une femme au foyer comblée. En Jack (Harry Styles), elle a trouvé le mari parfait : beau, intelligent. Elle lui cuisine des petits plats qu’il adore et a toujours envie de faire l’amour dès lors qu’il rentre du travail. Dans sa tête, il y a une ravissante mélodie à cinq notes qui l’accompagne quand elle astique sa maison avec enthousiasme et application. Ses voisines, elles aussi, sont heureuses dans leur couple, dans leur corps, dans leur cœur. Cet enivrement de bonheur, elles le doivent beaucoup à Frank (Chris Pine) qui a conçu le projet Victory comme un sanctuaire, un prototype d’une vie idyllique. Nous sommes en Californie, dans les années 50 et rien ne peut compromettre cette American Way of Life. À moins que… Margaret (Kiki Layne), la voisine qui a connu une terrible dépression nerveuse, jette un voile d’inquiétude sur leur douce existence. Et quand Alice voit un avion s’écraser par-delà l’enceinte de Victory et qu’elle ne comprend pas être la seule à s’en inquiéter, le vernis de perfection qui protège sa vie soudain se craquèle. Pourquoi la catalogue-t-on de facto comme une femme à problème, frisant l’hystérie ? Qu’est-ce qui se cache derrière l’apparente passivité des épouses autour d’elle ? C’est une problématique importante et paradoxale car finalement, Alice n’est pas non plus une héroïne d’action. La remise en cause de la structure dans laquelle elle existe et s’épanouit se fait bien malgré elle, et c’est sûrement là que le scénario pèche : pour en arriver à ce qu’elle reprenne en main son destin, Alice doit d’abord subir des éléments déclencheurs dont on identifie mal la cause. La gratuité du postulat de DON’T WORRY DARLING est la conséquence d’un « world building » casse-tête, qui doit suggérer sans trop en dire, tirer les tiroirs au bon moment et pour que le récit fonctionne, pour que la mythologie soit crédible, Alice ne peut pas être une héroïne trop entreprenante. Dans le contexte féministe du film, ça peut être vu comme un problème. Dans DON’T WORRY DARLING, coexistent les paradoxes malheureux et ceux, intentionnels, qui soulèvent les bonnes questions et interrogent le rapport du spectateur à ce qu’il regarde. Ainsi, quand Olivia Wilde se repaît volontairement de la beauté de ses décors, de ses costumes et de ses acteurs, tout en dénonçant la structure patriarcale et l’Amérique blanche qu’elle promeut, elle nous force à interroger l’ambivalence de nos aspirations face à nos principes. C’est notamment les femmes qu’elle interpelle : comment être un objet de désir et un être libre ? Comment maintenir sa caméra excitée par une iconographie américaine fondatrice tout en conservant un regard critique sur ce qu’elle véhicule ? Tout comme Olivia Wilde avait changé les paradigmes féminins de la teen-comedy avec BOOKSMART, elle propose de lancer une conversation moderne sur la place de la femme dans la résurgence réactionnaire actuelle et le rôle qu’elle aurait à jouer dans sa mise en échec. La théorie de DON’T WORRY DARLING est peut-être plus stimulante que sa dramaturgie-même. Thriller psychologique, drame du gaslighting et finalement film d’évasion, DON’T WORRY DARLING multiplie les coups d’accélération et les freinages et propose plusieurs faux-départs. L’histoire patine, tout n’est pas toujours clair, comme parfois dans les concepts vendeurs mais trop tordus. Pour autant qu’il s’agisse de mise en scène – toujours lisible, toujours très claire dans ses intentions – ou de la direction de ses acteurs – Florence Pugh au-dessus du lot –, Olivia Wilde démontre un talent de réalisatrice spectaculaire.

D’Olivia Wilde. Avec Florence Pugh, Harry Styles, Chris Pine. États-Unis. 2h02. En salles le 21 septembre

4Etoiles

 

 

 

 

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