EMPIRE OF LIGHT : chronique

28-02-2023 - 15:46 - Par

EMPIRE OF LIGHT : chronique

Sam Mendes renoue avec la veine mélo des NOCES REBELLES. Une somptueuse histoire de résilience, faussement classique, dont la beauté bouleverse.

 

Que reste-t-il des sentimentaux ? Que subsiste-t-il de celles et ceux qui croient encore à l’empathie, à l’émotion, qui s’émeuvent d’un geste ? Peut-être le cinéma est-il leur dernier refuge. C’est le sujet mais aussi l’ambition de EMPIRE OF LIGHT, mélo somptueux et rugueux qui désarme pour mieux embrasser. Sam Mendes fait le récit de deux solitudes qui vont, un temps, s’épauler. Mais ce canevas classique, le réalisateur britannique le confronte à la crudité de son cinéma. À la fois cocon d’émotions qui sublime tout (une scène de feu d’artifice digne d’un mélodrame hollywoodien, un éclairage ouaté qui enveloppe les personnages, une musique qui s’enroule autour des sentiments) et loupe grossissante qui révèle la violence du monde (les corps fatigués, la folie et la haine montrées dans ce qu’elles ont de plus banal et donc de terrifiant), EMPIRE OF LIGHT développe une tonalité complexe. Probablement parce que Mendes filme de manière inquiète. L’histoire d’Hilary et Stephen est une parenthèse. Quelque chose qui n’a aucun sens. Donc quelque chose à protéger. La façon dont le réalisateur place son récit dans les couloirs d’un vieux cinéma, la façon dont il oscille entre la beauté du lieu et la tristesse de son délabrement, d’une gloire déjà passée, lui permet de questionner la possibilité du sublime, de ce qui nous élève, du besoin de se raconter des histoires. Ces deux personnages en marge – elle dont la santé mentale fragile peut vaciller à tout moment ; lui, jeune noir dans une Angleterre thatchérienne qui ne demande qu’à déchaîner sa haine – ne vivent pas tant une relation amoureuse que la possibilité d’une rencontre, d’une étreinte, d’une issue de secours. À l’instar de celle des NOCES REBELLES qui grattait la surface du glamour pour révéler une violence sous-jacente, la mise en scène de EMPIRE OF LIGHT utilise le mélodrame comme un leurre qui, une fois dévoilé, expose comme un choc la solitude de ses personnages. Il faut le génie d’Olivia Colman pour donner à ce personnage, typique de la dramaturgie de Tennessee Williams, une humanité constante, une douceur et une fureur qui rendent chaque scène imprévisible mais aussi bouleversante. Face à elle, Micheal Ward, déjà magnifique dans SMALL AXE (le segment LOVERS ROCK) de Steve McQueen, n’a « plus qu’à » se laisser porter. Leur relation est le cœur battant et fragile du film. D’un classicisme trompeur, EMPIRE OF LIGHT prend par la main le spectateur pour l’emmener à l’ombre de cette histoire. Un cinéma qui fait totalement corps avec l’émotion, qui croit encore aux vertus des histoires, à celle de l’empathie, aussi complexes soient-elles.

De Sam Mendes. Avec Olivia Colman, Micheal Ward, Colin Firth. Grande-Bretagne. 1h59. En salles le 1er mars

Note : 4/5

 

 

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