SISU, DE L’OR ET DU SANG : chronique

21-06-2023 - 08:59 - Par

SISU, DE L’OR ET DU SANG : chronique

Bien qu’il se perde dans son dernier acte, ce survival en Laponie reste un bel exercice d’iconisation d’un personnage.

 

Selon un carton ouvrant le film, le mot finlandais « sisu » signifie « un courage extrême, une détermination à toute épreuve quand tout espoir est perdu ». Qu’elle soit vraie ou inventée – on ne parle que moyennement finlandais pour le vérifier – cette introduction a une fonction, assumée et efficace, qui a cours tout le film : affirmer des enjeux par le verbe – puis par son absence. Dans les étendues de la Laponie finlandaise, en 1944, « un homme a décidé de laisser la guerre derrière lui », annonce une voix off sentencieuse. Ce vieux monsieur au physique d’athlète cherche de l’or et en trouve bientôt un filon. Alors qu’il traverse le pays des kilos de pépites sur le dos, des nazis en fuite l’arrêtent et lui piquent son magot. Sauf que le vieil homme sait parfaitement se défendre, et ne va pas s’en priver. C’est là que le réalisateur Jalmari Helander, dont on se souvient du singulier PÈRE NOËL ORIGINES, révèle sa malice. Car si le héros prouve sa dextérité assez jouissive à buter du nazi, le tout avec une inventivité sans cesse renouvelée, SISU ne tourne pas au festival de gore incessant et un peu vain comme le récent PROJET WOLF HUNTING. Helander découpe soigneusement ses scènes, fait appel à des codes utiles et précis – ceux du western italien en particulier –, filme cette violence sans sombrer dans un excès de complaisance, choisissant le plus souvent avec pertinence ce qu’il montre et ce qu’il dissimule. Résultat : le vieil homme ne se retrouve pas uniquement iconisé par ses gestes sanglants mais aussi par un dispositif plus diffus, dont il est parfois même totalement exclus. D’un côté, son silence quasiment immuable impose sa stature, belle idée de mise en scène à laquelle Helander se tient (presque). De l’autre, le cinéaste mythifie son héros par le biais des mots et du storytelling : les nazis effrayés se racontent ce qu’ils savent de cet homme qui les décime – « C’est un escadron de la mort à lui tout seul », « Durant la Guerre d’Hiver (conflit ayant opposé la Finlande et l’URSS durant l’hiver 1939, ndlr), il aurait tué plus de 300 Russes ! » Pendant plus d’une heure, SISU propose donc un véritable (et efficace) exercice en caractérisation, preuve que l’on peut encore bâtir des légendes à partir de peu. Une qualité qui se retourne néanmoins contre le film : à force d’être iconisé, le vieil homme en apparaît invincible, SISU voyant alors ses enjeux s’étioler et son spectacle sombrer dans l’exagération et les effets numériques ratés. Jusqu’à cet épilogue superfétatoire où Helander fait s’effondrer son édifice taiseux pour le plaisir un peu puéril de la punchline.

De Jalmari Helander. Avec Jorma Tommila, Aksel Hennie, Mimosa Willamo. Finlande. 1h31. En salles le 21 juin

Note : 3

 

 
 

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