LE PROCÈS GOLDMAN : chronique

27-09-2023 - 14:52 - Par

LE PROCÈS GOLDMAN : chronique

Un procédural aussi rigoureux que romanesque où le passé et le présent dialoguent avec pertinence. Remarquable.

 

Une scène d’ouverture suffit parfois pour savoir que l’on est entre de bonnes mains. Dans LE PROCÈS GOLDMAN, cette introduction – seule séquence hors du tribunal –, filme deux avocats, Mes Chouraqui et Kiejman, se lire des missives envoyées par leur client, Pierre Goldman. Un client qui, par l’intermédiaire de ces lettres, se voit déjà caractérisé alors même qu’il n’est pas encore apparu à l’écran. Mais qui est-il ? Un homme aux multiples facettes, parfois contradictoires, qui refuse les « artifices théâtraux de la justice » tout en faisant montre d’un panache tout ce qu’il y a de plus théâtral. Un « insoumis » qui veut « faire la révolution », fils d’émigrés juifs polonais héros de la Résistance. Pierre Goldman est un révolté devenu criminel, accusé de braquages, qu’il reconnaît, et de deux meurtres, qu’il nie avoir commis. Après que la Cour de Cassation a annulé sa condamnation à la prison à vie, il est de nouveau jugé au printemps 1976, alors qu’au dehors et dans le tribunal, la société française se fracture sur son cas. À l’instar d’ANATOMIE D’UNE CHUTE, LE PROCÈS GOLDMAN ne prétend pas révéler la vérité, concept bien trop fuyant. Alors ce que Cédric Kahn montre, comme Justine Triet, c’est un accusé jugé en partie pour ce qu’il est, et, comme Nolan dans OPPENHEIMER, pour ses idées. Avec son cadre au ratio 1.33, comme dans un reportage d’un vieux JT, son beau grain et ses couleurs monotones, son langage châtié et son argot claquant, LE PROCÈS GOLDMAN ressuscite une époque avec une maîtrise qui propulse le spectateur dans le film. Son découpage sans cesse inventif, son remarquable travail à la longue focale, qui sait autant isoler que rapprocher les êtres, maintiennent le spectateur dans l’image. Le cinéma a souvent prouvé que les rouages de la justice faisaient de formidables machines à histoires mais LE PROCÈS GOLDMAN réussit l’exploit du romanesque tout en embrassant une représentation quasi à nu, sans excès d’artifices – il est dénué de musique, par exemple –, finalement plus proche des documentaires de Raymond Depardon que du lyrisme du cinéma américain en la matière. Une rigueur et un souffle, pour radiographier la France des années 70, son rapport à la police, à la justice, à son intelligentsia (culturelle notamment), à ses minorités, à son passé (colonial, collabo…). Des barricades la divisent, des montagnes insurmontables entre la gauche et la droite, où tout dialogue se limite à des invectives, des reproches – « La France, la vraie, celle des travailleurs », lance l’avocat des parties civiles. Évidemment, ce portrait se révèle d’autant plus fort qu’il ressemble terriblement à celui de 2023. Rien n’aurait changé en 50 ans ? Ou tout n’est qu’affaire de cycles ? Peu importe : l’un ou l’autre, comment s’en satisfaire ?

De Cédric Kahn. Avec Arieh Worthalter, Arthur Harari, Jeremy Lewin. France. 1h56. En salles le 27 septembre

Note : 5

 

 

 

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