MOI CAPITAINE : chronique

03-01-2024 - 11:54 - Par

MOI CAPITAINE : chronique

Récompensé d’un Lion d’Argent à Venise, le nouveau long-métrage de Matteo Garrone ressemble à un best-of. Ce n’est pas pour nous déplaire.

 

En 1996, Matteo Garrone réalisait son premier long, TERRA DI MEZZO, compilation de trois histoires autour d’immigrés nigérians, égyptiens et albanais. Avec MOI CAPITAINE, il semble retourner à ses débuts en suivant deux jeunes Sénégalais de 15 ans, Seydou et Moussa, dans leur difficile trajet vers l’Europe. Si la plupart des œuvres européennes traitant de la question migratoire se concentrent principalement sur l’arrivée, souvent chaotique, des migrants sur les sols français (WELCOME, LES SURVIVANTS), italien (FUOCOAMMARE), espagnol (ABU, FRONTERAS), anglais (THE OLD OAK) ou autres (HUMAN FLOW), peu s’intéressent au voyage. Ici, Matteo Garrone empreinte autant à Virgile qu’à Homère en racontant une odyssée. À l’instar d’un Enée ou d’un Ulysse, nos deux jeunes héros affrontent mille dangers sur la route du Sénégal jusqu’à l’Italie, en passant par le Mali, le Niger ou encore la Libye. Faim, soif, fatigue, peur, passeurs-voleurs, police véreuse, esclavagisme, torture, racisme mais aussi la difficile traversée de la Méditerranée, tout ce qui fait, plus ou moins, la une des journaux est ici montré, décortiqué, subi par Seydou et Moussa. Comme il a pu le faire dans GOMORRA, le cinéaste raconte avant tout la violence du monde face aux rêves de jeunes hommes qui ne seraient pas nés à l’endroit de leurs ambitions. Les deux adolescents disent partir pour soutenir leur famille mais fantasment en réalité une gloire bien plus égoïste, comme n’importe quel gamin de leur âge. Sauf que le prix de leurs aspirations à eux semble soumis à l’inflation et pourrait leur coûter leur peau, littéralement. En cela, ils rappellent également un certain PINOCCHIO, garçon têtu et obstiné qui paiera cher sa curiosité et son désir d’appartenance à une société qui se refuse à lui. Mais Matteo Garrone n’a aucun plaisir à les voir souffrir, au contraire. Depuis DOGMAN, le réalisateur tend à ouvrir l’imaginaire, proposant à ses malheureux martyres une porte vers un autre monde, celui du conte. Que ce soit par la forme du récit, un David contre Goliath au cœur d’une boutique de toilettage pour chiens ou ici, une épopée presque mythologique, ou que ce soit par l’insert de figures fantasmagoriques telles que des sorciers, des anges voire des fantômes, il leur offre la possibilité de s’évader d’un destin injuste, d’être les héros de leur histoire tragique mais sublimée. Si l’ensemble de MOI CAPITAINE apparaît plus naïf que les œuvres précédentes de Matteo Garrone, il n’en est pas moins puissant. Une force que le film doit autant à sa splendide photographie qu’à ses interprètes, Seydou Sarr en tête.

De Matteo Garrone. Avec Seydou Sarr, Moustapha Fall, Issaka Sawadogo. Italie. 2h02. En salles le 3 janvier

Note : 4

 

 

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