AU BOUT DU CONTE : Chronique

05-03-2013 - 17:14 - Par

Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri sont de retour et en pleine forme. Le tout pour une de ces chroniques humaines dont ils ont le secret. Pas forcément original, mais très plaisant.

« Il était une fois une jeune fille qui croyait au grand amour, aux signes, et au destin ; une femme qui rêvait d’être comédienne et désespérait d’y arriver un jour ; un jeune homme qui croyait en son talent de compositeur mais ne croyait pas beaucoup en lui. 
Il était une fois une petite fille qui croyait en Dieu. 
Il était une fois un homme qui ne croyait en rien jusqu’au jour où une voyante lui donna la date de sa mort et que, à son corps défendant, il se mit à y croire. » On l’aura compris avec ce pitch et son titre, AU BOUT DU CONTE se donne pour but d’user des clichés et formules du conte de fées pour explorer une galerie de personnages à la croisée des chemins, hésitant à embrasser définitivement ce que la vie a fait d’eux, ce que les gens pensent d’eux, ou se battre pour assumer leurs rêves et les accidents qu’ils entraînent. Et peu importe qu’on se prenne les pieds dans le tapis et qu’on se ratatine la poire ce faisant. Car le plus vital est non seulement d’essayer, mais d’apprendre à se relever. Autant dire un matériau en or entre les mains d’un duo d’auteurs aussi doués et affûtés que celui formé par Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri. Après des scripts fantastiques pour Alain Resnais sur SMOKING / NO SMOKING et ON CONNAÎT LA CHANSON ou pour Cédric Klapish sur UN AIR DE FAMILLE, le couple avait brillamment pris son indépendance avec LE GOÛT DES AUTRES. Leur souci du dialogue aussi précis et millimétré que naturaliste y faisait des merveilles, ainsi que leur capacité à trouver la part d’humanisme qui recèle en chacun, y compris dans le pire des cuistres. Si cette efficacité s’était à nos yeux étiolée sur COMME UNE IMAGE et PARLEZ-MOI DE LA PLUIE, elle s’affirme des plus vivaces dans AU BOUT DU CONTE. Non pas que Jaoui et Bacri dérogent à leur style : ici, guère de surprises. On y trouve la galerie hétéroclite de grands bourgeois ou de petits travailleurs, en une valse des plus dynamiques, où chaque personnage apporte sa pierre au propos, au drame, à la comédie. Et comme chaque acteur y est dirigé avec une classe et une finesse plus que rare dans la comédie française, impossible de ne pas se laisser emporter par la malice du film. La palme revient au jeune et prometteur Arthur Dupont, parfait en jeune musicien en conflit avec son père. Un paternel campé par un Jean-Pierre Bacri qui livre une nouvelle fois une belle prestation d’homme cachant sa fragilité derrière une misanthropie de façade. Son art du timing fait ici des miracles, bien aidé par des répliques que l’on aimerait tous un jour lâcher, l’air de ne pas y toucher (- « Qu’est-ce que vous faites là ? » – « Ben on s’emmerde »). Cerise sur le gâteau, Agnès Jaoui déploie ici une mise en scène discrète mais délicate ainsi qu’une esthétique refusant toute paresse (belle photo, jolies idées de montage…) et offre une relecture tantôt rêveuse tantôt ironique des contes de notre enfance. AU BOUT DU CONTE ne révolutionnera ni le cinéma en général, ni celui de Jaoui / Bacri, mais en ces temps où le septième art français peine à se réconcilier avec son public, il est toujours bon de savoir que l’on peut compter sur ce que l’on qualifiera de vieux potes.

D’Agnès Jaoui. Avec Jean-Pierre Bacri, Agnès Jaoui, Benjamin Biolay. France. 1h52. Sortie le 6 mars

 

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.