Cannes 2021 : ONODA / Critique

21-07-2021 - 08:00 - Par

Cannes 2021 : ONODA / Critique

De Arthur Harari. Sélection officielle. Un Certain Regard – Ouverture.

 

Après le prometteur DIAMANT NOIR, Arthur Harari signe une épopée humaine et mentale d’une maîtrise absolue. Un très grand film.

L’image d’Épinal voudrait que la réalité soit parfois plus folle que la fiction. Si les clichés existent, c’est bien qu’ils qualifient une certaine vérité. En témoigne l’authentique histoire de Hiro Onoda, contée dans son deuxième film par Arthur Harari. Parce qu’il a échoué à devenir pilote puis kamikaze et qu’il semble « ne pas vouloir mourir », on propose à Onoda une mission spéciale : investir la jungle d’une île philippine et y mener une guerre secrète avec l’ennemi américain. Lorsque le conflit prend fin en 1945, il n’est pas vraiment mis au courant. Puis il n’y croit tout simplement pas et restera trente ans dans la jungle… En tant qu’objet filmique, ONODA se rapproche de son sujet et revêt une nature inimaginable, presqu’incroyable. Comment un jeune cinéaste français peut-il atteindre une telle maîtrise avec son deuxième long ? Saisir, avec à la fois ambition et épure, des sentiments si complexes, des cheminements psychologiques aussi sinueux, et nous mener à comprendre l’acharnement insensé de son personnage ? Pourtant, ONODA se révèle dans toute son évidence, comme s’il s’agissait d’un chef-d’œuvre oublié d’un vieux maître qu’un Indiana Jones du cinéma aurait déterré d’un coffre au trésor. La première immense réussite de Harari, élément constitutif du film, réside en sa maîtrise du temps : ONODA, avec ses 2h45, ne s’appesantit jamais. Il pourrait tout aussi bien durer une heure ou quatre, sans que cela fasse la moindre différence, tant l’errance du personnage se traduit en vertige pour le spectateur. Dans la salle, les minutes se dilatent, alors que sur l’écran les années se contractent et défilent. Se crée une correspondance évidente entre le spectateur et le protagoniste, un fil ténu mais indéfectible, que Harari nourrit par sa mise en scène particulièrement précise, sans effusion, qui lie Onoda à son environnement et use avec brio du zoom pour scruter des détails dans l’uniformité de la jungle ou pour sonder les sentiments. Peu à peu, alors que des passerelles s’établissent entre l’univers mental du militaire et les délires complotistes de notre époque, ONODA parvient à un point d’équilibre où le pathétique rejoint le tragique, où l’on saisit le personnage dans ce qu’il peut avoir de plus condamnable en souhaitant, avec la plus grande des tendresses, lui hurler de prendre sa liberté. Tout comme lui, le spectateur entreprend un long voyage apparaissant parfois presque froid, aussi fascinant soit-il. Jusqu’à ce dernier acte tout simplement déchirant, tout en lâcher prise et confrontation de soi à l’altérité. Là encore sans effusion. D’une absolue justesse.

De Arthur Harari. Avec Yuya Endo, Kanji Tsuda, Issey Ogata. France. 2h45. En salles le 21 juillet

 

 

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