LA NUIT DU 12 : chronique

12-07-2022 - 10:33 - Par

LA NUIT DU 12 : chronique

Dominik Moll raconte un crime irrésolu et ausculte avec brio les rouages de la misogynie. Puissant, humain et politique.

 

C’est un film qui s’ouvre par sa fin. Ou plutôt sa non-fin. D’entrée, on nous l’annonce : on ne saura jamais vraiment ce qui s’est passé cette nuit du 12. LA NUIT DU 12 est le récit d’un vide, d’une obsession, d’une enquête qui n’a jamais pu se refermer. Moll la filme pourtant, cette nuit, dès l’ouverture. Une fille rentre chez elle. Elle est jeune, heureuse, banale. Une figure dont on ne voit pas le visage s’approche et l’asperge d’essence et la brûle. Ce corps calciné, retrouvé au milieu d’un parc pour enfants, devient l’image obsessionnelle d’un jeune policier fraîchement nommé chef de sa brigade. Écrit avec Gilles Marchand (à qui l’on devait l’excellente série documentaire GRÉGORY), LA NUIT DU 12 n’est pas un documentaire true crime mais bien du cinéma de fiction. Se glissant avec précision dans les pas de ce jeune policier et de son co-équipier plus âgé, le film fait le récit humain de cette enquête en cherchant constamment à trouver le point d’équilibre entre la déshumanisation nécessaire à ce métier de faits, l’objectivité de l’enquêteur, et le bouleversement intérieur profond, la violence digérée qui se mêle à l’âme des personnages. Visage poupin récurrent du cinéma français, Bastien Bouillon trouve ici un premier rôle à sa mesure. À la fois fort et fragile, adulte et jeune homme, froid et pourtant attachant, il porte le film. Face à lui, le grand Bouli Lanners impressionne comme toujours d’humanité. Leur tandem et la brigade qui les accompagne, deviennent le cœur battant fragile et bientôt brisé d’un film qui s’enfonce petit à petit dans le passé de la victime. Alors, par un brillant effet révélateur, l’enquête devient aussi l’introspection morale d’une société misogyne qui, pour supporter l’insupportable, tente de trouver des causes et des raisons à la violence. Brillamment écrit, tendu et humain, le film se déploie devant nous avec une telle maîtrise, une telle précision de jeu et de mise en scène qu’on finit par se laisser happer par ce récit sans but – jusqu’à croire à sa résolution possible. Portrait du mal/mâle qui rôde, LA NUIT DU 12 fait de ses personnages, policiers, victime, famille, amis et connaissances douteuses, les figurants d’une comédie humaine qui les dépasse. Superbement refermé par un dernier acte méditatif (et l’apparition d’Anouk Grinberg en juge d’instruction coriace), LA NUIT DU 12 observe combien, même si la banalité et l’absurdité du mal rongent, on finit, comme pour tout, par s’y habituer. On quitte le film certains que cette histoire sans fin, peuplée de personnages tragiquement humains, nous accompagnera longtemps. 

De Dominik Moll. Avec Bastien Bouillon, Bouli Lanners, Johann Dionnet. France. 1h54. En salles le 13 juillet

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