RODEO : chronique

07-09-2022 - 14:10 - Par

RODEO : chronique

Un premier film réussi, sur la survie d’une jeune femme en milieu hostile. Brut et traversé de fulgurances.

 

On le comprend dès les premières secondes de RODEO, par les cris, la caméra chahutée : Julia (Julie Ledru, incontestable découverte) n’est pas une mince affaire. Jeune, athlétique, les cheveux longs et bouclés, elle est retorse, solitaire et peu regardante sur son look. On ne sait pas ce qu’elle fuit – la police, sa mère, des types qu’elle a arnaqués – mais elle marche à l’adrénaline que lui procure sa passion : la moto. Elle les vole grâce à une combine qui fonctionne à merveille. Fascinée par les rodéos urbains, elle s’incruste dans une bande d’adeptes du cross bitume. Une sorte de mafia, régie par un parrain, Domino, depuis sa cellule. Julia va vite se révéler un atout pour la bande. Le premier film de Lola Quivoron est à l’image de son héroïne : speed, libre, agité. Il a, comme elle, des choses à prouver et comme elle encore, connaît ses forces, moins ses faiblesses. La caméra rivée au bitume, rivée aux visages, aux mains, aux tatouages, aux blessures, aux bleus… : Quivoron filme les corps, la chair et un peu des frissons que procurent ces tonnerres-moteurs. Ils sont comme des ballets mécaniques et la réalisatrice replace ce fait de délinquance dans le domaine du sport extrême et de l’art – les courses ont d’ailleurs lieu sur des routes fermées. Pas étonnant que la jeune Julia soit fascinée, on l’est aussi. Ces jeunes, dans leur domaine, font preuve de connaissances admirables. Il n’y a pas de sot hobby et la plongée que nous propose le film dans ce milieu fermé et clandestin est captivante. Jusque dans la tragédie. Quand l’un des motards se tue, son fantôme traverse le film aux côtés de Julia qui l’admirait tant. RODEO la raconte toujours elle, sa volonté d’intégration, sa passion dévorante qui en fait une fille si singulière. C’est une amazone, dit l’un des motards quand il la photographie sur un quad. Et c’est vrai, c’est une guerrière, une fille un peu bonhomme qui n’a pas besoin des garçons, juste du bruit assourdissant d’un moteur et du vent sur le visage pour vivre sa vie. Elle ne consomme rien, rapine, emprunte, recycle, elle est la décroissance-même dans une culture du paraître et des grosses cylindrées. Pas étonnant que certains, dans la bande, y voient une menace à leur dévorante virilité. Souvent annoncé, régulièrement teasé au fil de l’histoire, le braquage d’un camion contenant des motos flambant neuves arrive trop tard – le film aurait mérité d’être plus ramassé – mais il est payant. On retient des images plus emblématiques que dans tous les FAST & FURIOUS, projetant l’énergie démente des meilleurs thrillers urbains. En guise de dernier geste de cinéma, une référence méta à cette nouvelle scène française qui ne cesse d’enflammer l’écran depuis trois ou quatre ans. Encore un film épatant, qui ira, on l’espère, très loin.

De Lola Quivoron. Avec Julie Ledru, Yanis Lafki, Antonia Buresi. France. 1h45. En salles le 7 septembre

4Etoiles

 

 

 

 

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