Cannes 2022 : RODÉO / Critique

19-05-2022 - 19:49 - Par

Cannes 2022 : RODÉO / Critique

De Lola Quivoron. Sélection officielle, Un Certain Regard

 

Un premier film réussi, sur la survie d’une jeune femme en milieu hostile. Brut et traversé de fulgurances.

On le comprend dès les premières secondes de RODÉO, par les cris, la caméra chahutée et le cadre au plus près de sa tête vénère : Julia (Julie Ledru, incontestable découverte) n’est pas une mince affaire. Jeune, athlétique, les cheveux longs et bouclés, elle est retorse, solitaire et peu regardante sur son look. On ne sait pas ce qu’elle fuit – la police, sa mère, des types qu’elle a arnaqués – mais elle n’a pas le temps pour le superficiel. Elle marche à l’adrénaline que lui procure sa passion : la moto. Elle les vole grâce à une combine qui fonctionne à merveille. Fascinée par les rodéos urbains, elle s’incruste dans une bande d’adeptes du cross-bitume. Une sorte de mafia, régie par un parrain, Domino, depuis sa cellule. Julia va vite se révéler un atout pour la bande. Le premier film de Lola Quivoron est à l’image de son héroïne : speed, libre, agité. Il a, comme elle, des choses à prouver et comme elle encore, connaît ses forces, moins ses faiblesses.

La caméra rivée au bitume, rivée aux visages, aux mains, aux tatouages, aux blessures, aux bleus… : Quivoron filme les corps, la chair et un peu du désir et des frissons que procurent ces tonnerres-moteurs. Ils sont comme des ballets mécaniques et la réalisatrice replace ce fait de délinquance dans le domaine du sport extrême et de l’art. Pas étonnant que la jeune Julia soit fascinée, on l’est aussi. C’est une occupation illégale, mais elle regroupe des jeunes qui, dans leur domaine, font preuve de connaissances admirables, d’une érudition qui force l’admiration. Il n’y a pas de sot hobby et la plongée que nous propose le film dans ce milieu fermé et clandestin est captivante. Jusque dans la tragédie. Quand l’un des motards se tue sur la route, son fantôme, beau et musculeux, traverse le film aux côtés de Julia qui l’admirait tant. RODÉO la raconte toujours elle, sa volonté d’intégration, sa passion dévorante qui fait d’elle une fille si singulière, loin des préoccupations des adolescentes de son âge. C’est une amazone, dit l’un des motards quand il la photographie sur un quad. Et c’est vrai, c’est une guerrière, une fille un peu bonhomme qui n’a pas besoin des garçons, juste du bruit assourdissant d’un moteur et du vent sur le visage pour vivre sa vie. Elle ne consomme rien, rapine, emprunte, recycle, vole, elle est la décroissance-même dans une culture du fric, du paraître et des grosses cylindrées. Pas étonnant que certains, dans la bande, y voit une menace à leur dévorante virilité.

Son coup de génie – le braquage d’un camion contenant des grosses cylindrées dernier cri – achèvera son statut d’icône du cross-bitume. Souvent annoncé, régulièrement teasé au fil de l’histoire, il vient tard, un peu trop tard – le film aurait mérité d’être un peu plus ramassé – mais il est payant. De ce gang de motards dans la nuit, lancé pour dévaliser l’engin roulant à vive allure, on retient des images plus emblématiques que dans tous les FAST & FURIOUS, projetant l’énergie démente des meilleurs thrillers urbains. En guise de dernier geste de cinéma, une référence méta à cette nouvelle scène française qui ne cesse d’enflammer l’écran depuis trois ou quatre ans. Encore un film épatant, qui ira, on l’espère, très très loin.

De Lola Quivoron. Avec Julie Ledru, Yanis Lafki, Antonia Buresi. France. 1h50. Prochainement

 

 

 

 

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