LES RASCALS : chronique

10-01-2023 - 14:42 - Par

LES RASCALS : chronique

Premier long-métrage, premier choc : Jimmy Laporal-Trésor fait le portrait du Paris des années 80 et nous parle aussi d’aujourd’hui. Du cinéma français libre, moderne et rebelle.

 

Récit d’apprentissage, fable morale, portrait d’une France qu’on a consciencieusement oubliée : LES RASCALS est tout à la fois. Jimmy Laporal-Trésor, déjà réalisateur du court-métrage coup de poing SOLDAT NOIR (nommé aux César), et ses auteurs Virak Thun et Sébastien Birchler nous projettent 40 ans en arrière pour nous raconter Paris, dans les années 80, arpentée de petits loulous en blouson noir, qui écoutaient du rock en rêvant à l’Amérique des 50’s. Au fil du temps, certaines bandes se sont conscientisées, souvent parce que leur statut d’enfants de l’immigration commençait à leur être renvoyé en pleine face. Nos Rascals, eux, unis depuis tout gosses quand ils se sont fait prendre à partie par des skins, pensent plutôt aux filles, à la musique et aux bagnoles. Le jour où ils retrouvent l’un de leurs bourreaux, désormais repenti, à la caisse d’un disquaire, c’est le lynchage. Cachée derrière une porte, Frédérique, la sœur de l’ancien skin, voit tout. Traumatisée, elle se laisse tenter par un groupe de boneheads, des fachos qui veulent débarrasser la France des Noirs et des Arabes. Le film racontera tout autant comment le Rascal Rudy (Jonathan Feltre), frère du chef du Gang des Antillais, va brutalement perdre son insouciance, que comment l’étudiante d’une prestigieuse université va glisser vers le mouvement le plus raciste en formation. Un regard sans concession sur la France, sur une décennie qui va laisser le vivre ensemble se faire dévorer par l’individualisme, le rejet de l’autre, l’obscurantisme. Pour mieux rendre compte du virage négocié par le pays, pour d’autant plus préparer au choc de la rencontre programmée entre les Rascals et les néonazis, Jimmy Laporal-Trésor prend le temps des présentations. D’aucuns diraient que l’exposition est longue, mais le temps de l’étude sociale est au contraire fascinant. Plongée dans un foyer créole, reconstitution des argots de l’époque, fresque urbaine pour mieux comprendre : le cinéma et la politique se nourrissent l’un et l’autre dans un film populaire sur la spirale infernale de la violence. Préquel à SOLDAT NOIR et à BLACK MAMBAS, l’imminente série sur le thème des affrontements avec les bandes zulus, LES RASCALS pose un univers, historique, réaliste, et pourtant romanesque, au point qu’il fait l’examen de conscience de la société française, à l’aune de l’actuelle montée de l’extrême droite dans le pays. Premier film oui, mais des décors aux costumes, en passant par la psychologie de la France de l’époque, le travail de recherche est admirable et la reconstitution, jamais scolaire, est spectaculaire.

De Jimmy Laporal-Trésor. Avec Jonathan Feltre, Missoum Slimani, Jonathan Eap. France. 1h45. En salles le 11 janvier

 

Note : 4/5

 

 

 

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