THE PALE BLUE EYE : chronique

05-01-2023 - 17:24 - Par

THE PALE BLUE EYE : chronique

Après LES BRASIERS DE LA COLÈRE et HOSTILES, Christian Bale et Scott Cooper se retrouvent pour une nouvelle étude de l’élan de vengeance. 

 

Tout en creusant les mêmes thématiques, obsessions et figures, Scott Cooper n’a cessé de se renouveler par l’entremise du genre. Mais, tout en conservant sa singularité, sans doute n’avait-il jamais modifié à ce point l’ADN de son cinéma qu’avec THE PALE BLUE EYE. 1830. « Légende de la police de New York », Augustus Landor (Christian Bale, acteur fétiche du cinéaste), veuf depuis trois ans et retiré dans une cabane au cœur de la vallée de l’Hudson, est appelé par l’académie militaire de West Point. Un cadet s’est pendu. Lorsque tout indique un meurtre, Landor finit par faire officieusement équipe avec un élève, le dénommé Edgar Allan Poe (Harry Melling)… Contrairement à ses précédents films, THE PALE BLUE EYE place, dans un premier temps, l’intrigue au centre de tout et se fait immédiatement redoutablement efficace. Une alchimie folle, presque fantasque, lie Christian Bale et Harry Melling, tandis que Cooper et de son chef opérateur Masanobu Takayanagi sculptent une ambiance délétère très prenante où neige et couleurs véhiculent une mélancolie palpable. Surtout, parce que THE PALE BLUE EYE joue avec malice de ce que l’on sait de l’œuvre de Poe, il en revêt par ricochet certains atours macabres, comme nourri par nos souvenirs de « Double Assassinat dans la rue Morgue » ou du « Cœur révélateur ». Extrêmement littéraire, dans tout ce que ça implique de théâtralité, porté par une attention particulière aux dialogues – là où le cinéma de Cooper préférait souvent le mutisme –, THE PALE BLUE EYE n’en perd néanmoins jamais la retenue qui a toujours été au cœur du travail du cinéaste. Son goût pour les détails subtils qui bâtissent un film s’affirme de nouveau, notamment dans ce qu’il montre et raconte du moule que les institutions patriarchales imposent aux jeunes, hommes et femmes, conformisme qui étrangle tout iconoclasme et tout élan sentimental. Peu à peu, des effluves ésotériques émerge un propos passionnant sur le conflit entre émotion et logique, vengeance et justice, occulte et science – ce dernier particulièrement pertinent à l’ère du Covid. L’intention se fait plus claire, l’enquête comme prétexte à l’analyse des névroses et privilèges d’un microcosme, mais surtout à l’étude de son duo principal. Survient alors le tour de force du film : une conclusion en huis clos de vingt minutes, discussion bouleversante entre Landor et Poe. « Je chérirai ce que… », dit le futur écrivain sans finir sa phrase. Dans ce splendide suspens, Scott Cooper et Harry Melling invitent le spectateur à imaginer tout un monde d’émotions, témoignage de la richesse du film et des intentions de son auteur.

De Scott Cooper. Avec Christian Bale, Harry Melling, Charlotte Gainsbourg. États-Unis. 2h08. Sur Netflix le 6 janvier

 

Note : 4/5

 

 

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