Cannes 2023 : BANEL ET ADAMA / Critique

20-05-2023 - 17:02 - Par

Cannes 2023 : BANEL ET ADAMA / Critique

De Ramata-Toulaye Sy. Sélection officielle, Compétition.

 

Pour son premier long métrage, Ramata-Toulaye Sy propose le récit d’un amour ardent, provocateur, mythologique. BANEL ET ADAMA, c’est le genre d’histoire qui traverse les âges par la tradition orale, le type de mythe dont se repaît la tragédie. Comme on n’imagine pas Tristan sans sa Yseult, Juliette sans son Roméo, Banel ne peut se penser sans son Adama. Comme une ritournelle ou une incantation, ils répètent l’association de leur nom à l’envi. Une union indiscutable qu’ils imposent aussi aux habitants de leur petit village perdu au nord du Sénégal, tout comme leur volonté de ne plus vivre auprès de leurs familles, mais en bordure, dans ces maisons enterrées qu’ils dessablent quotidiennement. Cependant cet amour prodigieux n’est pas forcément bien perçu de tout le monde. Trop égoïste pour une femme dont le sort est avant tout de rester à sa place, trop distrayant pour un homme dont le destin est d’être le prochain chef du village. Surtout que la région est en train de connaître sa pire sécheresse et que les bêtes tombent une à une. Comme une malédiction. Cet espace, hors du temps, hors du monde presque, Ramata-Toulaye Sy l’observe comme une boîte de Pétri dans une expérience sur l’émancipation féminine. Une émancipation face aux carcans d’une sphère trop étriquée pour elle, que Banel réclame, hissée sur les épaules de cet amour rugissant. La réalisatrice filme une Phèdre moderne, une Médée sénégalaise grandiose aussi intimidante que bouleversante. C’est l’histoire d’un esprit et d’un corps libres que l’on cherche à contraindre et qui, dans un mouvement newtonien, offrent une force de caractère opposé. Si Adama est un touchant personnage masculin en prise avec son désir et son devoir, Banel est une figure féminine hors du commun que la cinéaste met en valeur notamment grâce à son actrice Khady Mane, aussi intense qu’émouvante. Une puissance évocatrice, entre le conte et la légende, renforcée par une mise en scène où l’épure aux couleurs vives vient percuter la contemporanéité, filtrant le naturalisme par le prisme du surnaturel. Celle qui a passé la Fémis en scénario et qui a réalisé son premier court métrage, ASTEL, il n’y a que deux ans épate : Ramata-Toulaye Sy a tout d’une grande. Vivement la suite.

De Ramata-Toulaye Sy. Avec Khady Mane, Mamadou Diallo, Moussa Sow, Ndiabel Diallo. France/Sénégal. 1h27. Prochainement

 

 

 

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