GUEULES NOIRES : chronique

15-11-2023 - 08:17 - Par

GUEULES NOIRES : chronique

Un scientifique et les mineurs de fond qui l’escortent sous terre découvrent une crypte… Le cinéma de Mathieu Turi s’affirme encore un peu plus.

 

Jusqu’à présent, les films de Mathieu Turi évoluaient dans la sphère intime : la collision des protagonistes d’HOSTILE et MÉANDRE avec le fantastique (des créatures post apocalyptiques, un labyrinthe meurtrier) les menait à confronter et à surmonter un passé douloureux. Avec GUEULES NOIRES son cinéma se transforme, à la fois dans la forme et le fond. Dans les premières minutes, l’ambition plastique dénote d’une ampleur décuplée par rapport à ses deux précédents longs grâce à une élégante caméra en mouvement qui suit les personnages et présente leur monde, au nombre de protagonistes et de figurants, ou à une musique d’Olivier Derivière immédiatement enveloppante. De quoi être en adéquation avec la bascule effectuée par GUEULES NOIRES : Mathieu Turi met ici en scène un film de groupe qui lui permet d’élargir son horizon et la portée de son regard, balayant aussi bien l’intime que le plus global. Aux questionnements personnels des personnages principaux, présentés dans un premier acte qui prend le temps d’installer les enjeux, répond ainsi un portrait riche et méticuleux de l’univers des mines, alors à bout de souffle, et par ricochet du paysage social de la France des années 1950 – les échos de la guerre, l’immigration, le racisme. Voir un jeune cinéaste dont on apprécie le travail évoluer ne peut que réjouir, surtout quand il ne renie pas pour autant son identité et ce qui a fait jusque-là le cœur de son cinéma. Ainsi GUEULES NOIRES s’inscrit également dans la lignée d’HOSTILE et MÉANDRE dans son envie d’ériger un film de genre très frontal, sans désir de commentaire post-moderne. Un storytelling au premier degré extrêmement rafraîchissant, qui respire un amour non feint du cinéma comme expérience – collective, sensorielle. Sans jamais tomber dans l’hommage un peu vain ou le copié-collé, Turi convoque aussi bien ALIENS que THE THING ou INDIANA JONES, le tout dans un monde qu’il veut volontairement lovecraftien. S’appuyant sur l’ingénieuse lumière d’Alain Duplantier, jouant avec les ténèbres déployées autour des personnages (interprétés avec soin, même si le savant fou d’Anglade déraille par moments), il échafaude une ambiance très solide et multiplie les moments marquants. D’autant qu’il dévoile généreusement sa créature, qu’il a voulue organique sous la forme d’une marionnette dont les mouvements, désarticulés et saccadés, accentuent son aura malfaisante. Des effets spéciaux surannés qui étonneront peut-être, mais qui insufflent aussi toute sa personnalité à un film qui ne sacrifie jamais sa vision sur l’autel des standards actuels.

De Mathieu Turi. Avec Samuel Le Bihan, Amir El Kacem, Jean-Hugues Anglade. France. 1h43. En salles le 15 novembre

Note : 4

 

 

 

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