IRON CLAW : chronique

23-01-2024 - 17:46 - Par

IRON CLAW : chronique

Avec intelligence et sensibilité, Sean Durkin continue de faire le cinéma qu’on aime dans cette tragédie quasi antique inspirée de faits réels.

 

Au cinéma, tout est question de point de vue : celui du cinéaste et de ses personnages. THE IRON CLAW illustre parfaitement cette notion cruciale lorsqu’on le place en regard du précédent long-métrage de Sean Durkin, THE NEST. Tous deux examinent un même délire, le succès, bercé par les idéaux du rêve américain. Tous deux observent une famille lentement dévorée par ce délire comme par un trou noir. Tous deux font appel en partie aux mêmes mécaniques de réalisation – une caméra souvent observatrice aux longs plans sans coupe et aux lents zooms. Pourtant, THE NEST et THE IRON CLAW ne pourraient être plus opposés, le premier d’une roideur glaciale et cassante ; le second solaire et sentimental. Une différence qui se joue au niveau des protagonistes : là où le couple de THE NEST était passé maître dans la dissimulation de ses sentiments, la fratrie de THE IRON CLAW vibre de son amour indéfectible. Fin des années 1970. Sous la poigne de fer de son père Fritz (Holt McCallany), ancien catcheur, Kevin Von Erich (Zac Efron) parcourt les gymnases dans l’espoir de concourir au titre de champion du monde de catch. Dans son sillage attendent David (Harris Wilkinson), Kerry (Jeremy Allen White) et Mike (Stanley Simons), tous promis à monter sur le ring pour assouvir l’ambition du patriarche… La facilité avec laquelle Durkin et ses comédiens établissent la complicité et la tendresse qui unissent ces frères est le cœur de THE IRON CLAW – lien jusque dans la douleur, leurs visages en sang en surimpression les uns des autres lors d’un plan mémorable. Avec sa photo chaude au beau grain typique des 70’s, l’image brille de ce feu qui brûle entre ces garçons que le destin et un père qui croit bien faire vont briser. Sean Durkin se fait ici plus visiblement virtuose, il bouscule quand il le faut sa mise en scène scrutatrice pour une caméra plus nerveuse dès qu’elle investit le ring, voire aérienne, presque scorsesienne, lorsqu’elle doit transmettre l’enthousiasme d’une foule avant le spectacle. Là transpire tout son amour du catch et bien sûr, de ses personnages et de ses incroyables acteurs. THE IRON CLAW chamboule parce que le récit s’articule autour d’une bascule nette : à une première partie lumineuse, d’où émergent des enjeux et où s’immisce le mal, répond une seconde, tellement inéluctable qu’elle terrasse. Au-delà de l’étude de l’Amérique et de ses névroses (la religion, les armes, le succès, comme l’établissent trois plans du premier acte, et par ricochet, la virilité), la tragédie mise en scène ici revêt de tels accents antiques qu’elle se fait intemporelle et universelle. Un fantôme en arrière-plan, une incursion dans l’au-delà et les larmes impuissantes de celui qui reste : THE IRON CLAW capte comme peu de films le déchirement qu’est la perte d’un être cher et le trou béant que forme son absence.

De Sean Durkin. Avec Zac Efron, Jeremy Allen White, Harris Dickinson. États-Unis. 2h12. En salles le 24 janvier

Note : 5

 

 

 

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