A MAN : chronique

30-01-2024 - 15:01 - Par

A MAN : chronique

À la fois tragédie et thriller, un remarquable film sur l’identité.

 

Qui est donc cet homme désigné par le titre A MAN ? Est-ce Daisuke (Masataka Kubota), garçon discret dont est tombé amoureuse Rie (Sakura Ando) et qui, lorsqu’il disparaît subitement, se révèle ne pas être celui qu’il disait être ? Est-ce Akira (Satoshi Tsumabuki), avocat que Rie a chargé d’enquêter sur la véritable identité de son compagnon ? Ou est-ce, plus globalement, toute personne qui, au fil de son existence, existe derrière une image donnée, tait ses secrets et se réinvente plus ou moins dramatiquement au gré de ses peines, envies et ambitions ? L’une des beautés de A MAN réside dans cette ambiguïté, dans la multitude des questions – et des réponses – que ce titre engendre. Ce goût de l’équivoque lui sied parfaitement : de séquence en séquence, le film de Kei Ishikawa ne cesse de se reformater, débutant comme un drame romantique presque trop classique, à la calme élégie, bercé par sa musique douce, où les solitudes de Rie et Daisuke se télescopent pour mieux apaiser leurs tourments respectifs. Lorsque leurs chemins se rejoignent, A MAN se fait subitement solaire. Où va-t-il bien pouvoir aller, ensuite ? À l’exact opposé. Tour à tour inquiet et inquiétant, captivant et bouleversant, il ne cesse de surprendre. Une fois le spectateur captivé par cet univers à la fois réaliste et absolument romanesque, Ishikawa cornaque son récit avec l’assurance d’un grand maître du suspense, manie aussi brillamment l’ellipse comme vecteur de rebondissements que la retenue, inhérente à ses longs plans en suspens. Il n’oublie cependant jamais de placer l’intimité des personnages au cœur de tout. Les réponses au mystère central, ‘Qui est Daisuke ?’, ne sont ainsi en aucun cas l’aboutissement que recherche A MAN – Ishikawa définit son film comme ‘un labyrinthe sans issue’ et joue d’ailleurs de cette notion en multipliant les cadres dans le cadre. Des réponses, il en donne pourtant. Mais la beauté déchirante de A MAN est ailleurs, dans ce qui naît, pour les personnages et le spectateur, de la résolution des mystères : toujours plus de questions, balayant un spectre plus large. ‘Qui est Daisuke ?’ n’a plus d’importance et l’universalité s’impose : qui sommes-nous au-delà de notre nom ? Au-delà de notre passé – individuel et familial ? De notre environnement et des conventions sociales qui le définissent ? Que constitue notre être profond ? A MAN questionne avec rigueur, du plus intime au plus politique, la question d’identité. Et le fait de la plus élégante des manières : en érigeant les sentiments en seuls faits irréfutables.

De Kei Ishikawa. Avec Satoshi Tsumabuki, Sakura Ando, Masataka Kubota. Japon. 2h01. En salles le 31 janvier

 

 

 

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