Cannes 2021 : DOWN WITH THE KING / Critique

08-07-2021 - 13:40 - Par

Cannes 2021 : DOWN WITH THE KING / Critique

De Diego Ongaro. ACID

 

Pitch officiel : Money Merc, un célèbre rappeur, est censé composer un nouvel album dans une maison loin de tout. Mais, fatigué par sa carrière et la pression qui l’entoure, il se découvre un goût inattendu pour la vie de fermier.

Zach Galifianakis a repris « Can’t Tell Me Nothing » de Kanye West sur une moissonneuse-batteuse et Kamini a commis « Marly-Gomont ». Musique urbaine en milieu rural : que pour la blague ? Diego Ongaro, un Français, en prend le contrepied. Money Merc (le rappeur Freddie Gibbs, puissant et convaincant), célèbre star du hip-hop, s’isole en pleine nature, dans un chalet cossu, pour composer son nouvel album. Le geste ne révèle pas tant un manque d’inspiration qu’une méchante crise de la quarantaine. Il peut composer les yeux fermés, mais ressasser les mêmes beats et les mêmes thèmes ne le nourrit plus. La pression des managers et du label le pousse vers d’autres pâtures : avec ses fringues Carhartt, il bûcheronne vaillamment ou nourrit joyeusement les vaches. Parfois, il part en forêt avec son manteau de fourrure à dix briques. Il bricole, il flâne au Kiloutou du coin. Il rencontre même une vendeuse (irrésistible Jamie Neumann, vue dans LOVECRAFT COUNTRY), une fille simple, jolie et intelligente qui rêve de partir d’ici pour reprendre ses études. Est-ce qu’on a le droit de vieillir quand on est rappeur, quand on est un porte-voix social, quand on entretient son image de b-boy ? Est-ce qu’on peut préférer traquer les moufettes à draguer les nanas dans des after de luxe ? Est-ce qu’on peut quitter Instagram et Twitter et aspirer à la tranquillité des bords de lac ? Est-ce qu’on peut vouloir être une star et changer d’avis ? Comme s’il tentait de commencer à expliquer la spectaculaire dépression de Kanye West, DOWN WITH THE KING raconte les enjeux démesurés pour les stars afro-américaines de la chanson un peu à la manière dont un Soderbergh évoquait l’exploitation des Noirs dans le sport dans HIGH FLYING BIRD. Là est le fil politique ténu du film, qui se concentre bien davantage sur les questionnements intimes de Mercury, personnage imprévisible mais profondément touchant, et son lâcher-prise. Au-delà de l’exemple extrême et hautement romanesque du rappeur millionnaire qui claque tout, c’est finalement toute une problématique contemporaine de pression sociale et de charge mentale que le film évoque. La mise en scène a beau être simple, DOWN WITH THE KING se saisit de la beauté de ses décors pour nous rallier au dilemme de Mercury. Qui ne serait pas séduit à la perspective de respirer à pleins poumons l’air des grandes forêts américaines, de parler aux vaches et de réparer son évier tout seul ? D’autant que Mercury est riche et que cet argent, qui est son plus précieux bien mais aussi son plus grand malheur, ne vaut finalement pas grand-chose ici. Souvent rivé au visage inquiet de son héros, Diego Ongaro réalise un sublime drame existentiel et en même temps, par la drôlerie des situations et la simplicité de l’histoire, un film populaire d’une grande humilité. Un grand plaisir de cinéma.

De Diego Ongaro. Avec Freddie Gibbs, Bob Tarasuk, Jamie Neumann. France / États-Unis. 1h40. Prochainement

 

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