Cannes 2022 : GODLAND / Critique

24-05-2022 - 18:45 - Par

Cannes 2022 : GODLAND / Critique

De Hlynur Palmason. Sélection officielle, Un Certain Regard

 

Synopsis officiel : Fin du XIXe siècle. Un jeune prêtre danois arrivé en Islande a pour mission de faire construire une église et de photographier la population au milieu de paysages inhospitaliers. Tandis qu’il s’acquitte de son devoir, une improbable histoire d’amour se développe en même temps qu’un violent conflit…

 

Quelque chose nous échappe dans cette retraite évangélique en Islande.

L’Islande a un passif avec le Danemark : l’île est sous domination danoise jusqu’à ce qu’elle obtienne son indépendance en 1944. Les deux pays partagent une frontière maritime aujourd’hui mais guère plus – sauf à regarder le nombre de réalisateurs islandais qui partent étudier le cinéma à Copenhague, en attendant que des formations soient proposées dans le pays. Dans GODLAND qui se déroule fin XIXe, règne une passive hostilité entre les deux nationalités, qui peu à peu se fait plus agressive, et cours de l’Histoire oblige, les Danois n’en sortent pas forcément gagnants. Le film de Hlynur Palmason (déjà auteur du formidable UN JOUR SI BLANC) raconte même comment l’Islande éreinte, érode, dévore et recrache quiconque y débarquerait en terrain conquis. C’est un peu le cas du prêtre danois (Elliott Crosset Hove) envoyé là-bas avec une double mission : photographier la population et les paysages et bâtir une église. Ainsi, au lieu de débarquer près du village, il accoste loin pour le rejoindre à pied. Il espère, grâce à sa randonnée pédestre, apprivoiser les lieux. Accueilli très fraîchement par Ragnar (Ingvar Sigurdsson), il va très vite se rendre compte que l’approbation de Dieu ne vaut pas tous les blancs-seings. Cheminant, il faute, s’épuise.

Le jeune ecclésiaste prend de plein fouet une nature incorruptible et indomptable. Dès qu’il pose pied sur la plage, les éléments se déchaînent et ce qui est d’abord pittoresque et grandiose, avec ses cascades gigantesques, ses grottes, ses rivières, son herbe spongieuse, se transforme vite en un enfer dantesque de boue, de pierres et de courants. Dans un format 1:33, rappelant les photographies de l’époque – ce sont de vrais clichés retrouvés en terre islandaise qui ont inspiré le scénario du film –, Hlynur Palmason frappe tout de même la pellicule d’une image tempétueuse et épique. Le prêtre, lui, peine à s’échapper de ce cadre restreint, alors qu’il s’attendait sûrement à conquérir l’espace.

Dès que GODLAND plante sa tante au village où l’église sera construite, plus particulièrement chez une petite famille de Danois d’Islande, ce n’est plus tant la nature qui vise à éliminer les intrus que les gens, la population elle-même, avec qui la greffe ne prend pas. Il y a ceux qui regrettent leur Danemark natal, ou des Islandais indignes d’être pris en photos. Pourtant, tout le monde est affable et il n’y a guère que Ragnar qui montre encore son animosité. Le film devient alors ce drame de personnages plus prévisible, il perd en puissance de l’image et nous égare un peu dans son propos. La cible, le message, sont distillés dans la chronique d’un amour impossible et certains personnages, qui semblent avoir été intégrés aux forceps, ralentissent l’efficacité d’une première partie bulldozer. Au bout d’une grosse première heure redoutable et d’une seconde plus convenue, le film parvient quand même à s’achever avec force sur une image dévorante.

De Hlynur Palmason. Avec Ida Mekkín Hlynsdóttir, Elliott Crosset Hove, Jacob Lohmann. Islande. 2h23. Prochainement

 

 

 

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