Cannes 2022 : LA JAURIA / Critique

De Andrés Ramirez Pulido. Semaine de la Critique, compétition

 

Au cœur de la jungle colombienne, le jeune cinéaste Andrés Ramirez Pulido embarque de jeunes acteurs non professionnels, des adolescents en difficulté, dans une exploration de la transmission de la violence. Il raconte Eliú, même pas 18 ans et déjà assassin. Envoyé dans un camp pour mineurs, une hacienda délabrée au milieu de nulle part, il alterne quotidiennement entre travaux forcés et thérapie de groupe. Quand El Mono, son ami de toujours, et complice de meurtre, débarque, Eliú essaye de garder ses distances pour ne pas retomber dans les mêmes travers. Acteurs et personnages ont beaucoup en commun, en particulier, une aptitude à la violence héritée souvent de leurs pères qu’ils traînent comme un sacerdoce, une fatalité ou un patrimoine à revendiquer. Autant de jeunes gens et autant de manière d’appréhender ce déterminisme qui agissent comme la métaphore d’un pays entier. Sous ses airs de destination de rêve, à l’image de cette bâtisse en ruines dans laquelle errent Eliú et ses compagnons d’infortune, la Colombie peine encore à se remettre des horreurs des années 1980-1990. Quel avenir quand toute tentative de remise sur pied se heurte à un abandon à la fois social et systémique ? Voire génétique, comme le craindraient presque les infortunés héros de LA JAURIA qui ne voient pas comment transformer le cercle vicieux de leur vie en ligne de fuite pour leur salut. C’est tout ça qu’Andrés Ramirez Pulido raconte à la hauteur de ces jeunes tout en les plongeant dans une atmosphère mystique à la limite parfois du réalisme magique. Âpre et parfois bavard dans sa première partie, LA JAURIA se révèle percutant dans sa deuxième, lorsqu’il croit au mouvement et la possibilité d’un ailleurs.

De Andrés Ramirez Pulido. Avec Jhojan Estiven Jimenez, Maicol Andrés Jimenez, Miguel Viera. France / Colombie. 1h26. En salles le 5 avril 2023