Cannes 2022 : L’ENVOL / Critique

19-05-2022 - 16:02 - Par

Cannes 2022 : L’ENVOL / Critique

De Pietro Marcello. Quinzaine des Réalisateurs

 

Synopsis officiel : Quelque part dans le Nord de la France, Juliette grandit seule avec son père, Raphaël, un soldat rescapé de la Première Guerre mondiale. Passionnée par le chant et la musique, la jeune fille solitaire fait un été la rencontre d’une magicienne qui lui promet que des voiles écarlates viendront un jour l’emmener loin de son village. Juliette ne cessera jamais de croire en la prophétie.

 

Après le puissant MARTIN EDEN, Pietro Marcello s’essaie avec brio à la douceur. Un film comme un conte, d’une beauté et d’une invention constantes. Magique.

C’est un film qui s’ouvre comme un grimoire. L’impression rare et folle de voir apparaître sur l’écran des images venues d’il y a longtemps, comme taillées dans le temps qui passe. Mélangeant images d’archives colorisées et grain de la pellicule, Pietro Marcello nous emmène ailleurs dès les premières minutes. Des images de la Première Guerre mondiale, une foule qui erre, la sensation de la vie là, captée et rejouée sans cesse grâce à la caméra. Des vies anodines qu’un objectif transforme en héros pour toujours. Soudain, un homme marche seul et revient lentement chez lui. La fiction s’est mêlée aux archives et Pietro Marcello de nous emporter. Récit fantasque, conte d’hier pour aujourd’hui, L’ENVOL fait du primitif, de l’obsolète une beauté éternelle. Un père soldat, comme un ogre, dont les mains font jaillir la beauté, une mère fantôme qui hante les vivants par de sublimes et subreptices plans fantastiques, une nourrice comme un roc, à la fois sorcière et Mary Poppins merveilleuse (Noémie Lovsky, l’humanité même), une petite fille comme un cadeau et puis la violence du monde, bête, implacable qui sans cesse vient s’immiscer entre eux. Se déployant comme un récit feuilleton dont on aurait ôté la tension et les chevilles artificielles, L’ENVOL colle à la beauté simple de ce cinéma-monde et laisse le spectateur tomber amoureux de ces personnages à la fois terre-à-terre et profond. Lentement, le temps fait son œuvre, raconte le quotidien rugueux et les sourires qui apaisent. Le père laisse sa place à la fille et à travers elle, le film prend acte d’une modernité constante. Un regard féminin qui fait de son héroïne de conte, non pas le jouet ni le pion des fées, mais bien une sensibilité complexe, un personnage libre qui s’émancipe, doute, chante, aime, s’inquiète. Le film épouse totalement son corps, son regard et permet au spectateur d’éprouver avec une grande douceur tout ce qu’elle ressent. Quand débarque le prince charmant (fait-on plus sexy que Louis Garrel à moustache, aviateur aventurier tombé des cieux ?), le film ne prend pas la tangente facile. Ce conte c’est avant tout celui d’un deuil à faire, d’un amour à refermer et à transmettre, d’une envie d’ailleurs et du chemin à parcourir pour être heureux ici. Romanesque, doux, délicat, toujours au bord du réel tranchant et du fantastique qui élève, cet ENVOL généreux et imprévisible, a une beauté indescriptible, quelque part entre le passé et le présent, le rêve et la réalité. Ça doit être ça, la magie du cinéma.

De Pietro Marcello. Avec Juliette Jouan, Louis Garrel, Noémie Lovsky… France / Italie. 1h40. Prochainement

 

 

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